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"Venait ensuite un pavillon fabriqué à Tennis pour le khalife Daher. Le tissu était d'or pur. Ce pavillon était soutenu par six colonnes d'argent, et l'on y voyait plusieurs bassins de cristal ; il avait coûté 14,000 dynars (110,000 francs).
". On distinguait aussi une grande tente fabriquée à Alep, vers l'an 440 (1049), pour laquelle 0n avait dépensé 30,000 dynars (450,000 francs); il fallait soixante-dix chameaux pour la porter avec ses accessoires ; elle renfermait un bassin d'argent du poids de deux kantars, sans compter les tuyaux qui étaient du même métal. Elle ressemblait à la tente qu'avait fait construire le khalife Azîz-b-Illah et qu'on nommait la Tueuse - Katoul parce qu'on ne la dressait jamais sans qu'il pérît un ou deux hommes parmi les gens chargés de la dresser. "

Il me faut couper court à cette citation déjà trop longue, d'autant plus que j'aurai occasion d'y revenir et que le fragment que j'en viens de traduire suffit à montrer de quelle auréole d'or l'artiste aimait à ceindre son oeuvre. C'était un enchantement, où la perfection de l'exécution le disputait au scintillement du métal et au chatoiement des couleurs, mais un enchantement qui, évanoui, n'a laissé derrière lui que des murs nus et des châssis vides où, par un effort d'imagination, nous sommes obligés de l'évoquer.

 
 

 
 

 

 
 

 

    

 

   
 

CHAPITRE II

 
LE COMMENCEMENT DES CROISADES

 

I. - LES DERNIERS FATIMITES

 

Réduit à recevoir de son vizir une pension de 100 dynars (1,500 francs) par mois, Mostanser se décida enfin à un acte de vigueur qui mit un terme à cet état de choses. Tous les émirs de la garde invités à un grand dîner sont poignardés à un signal convenu, leurs têtes amoncelées devant l'ordonnateur du massacre, et un instant, le khalifat fatimite reconquiert sa grandeur et répare ses ruines. Mais un an ne s'était pas écoulé depuis la mort du khalife qu'à l'appel du vieil empereur de Constantinople, Alexis Comnène, la première croisade se mettait en marche vers Jérusalem. C'était là un nouveau danger pour l'Égypte, qui allait paralyser pour longtemps l'art dont elle venait de voir se développer la formule, mais qui, du même coup, le préservait de l'influence tartare et lui permettait de se reconnaître et de s'acclimater.

Tandis que Pierre l'Hermite prêchait la croisade, les Turcs Seldjoukides et Ortokîdes, descendus des hauts plateaux de la Tartarie, s'étaient avancés à travers la Perse et l'Asie Mineure et venaient de pénétrer en Syrie, en dépit d'une victoire passagère du généralissime de Mostanser, l'émir Ed-Djïoueh. Aucune barrière ne les arrêtait plus. Les khalifes de Baghdad, ennemis héréditaires des Fatimites, loin de leur disputer le passage, étaient prêts à s'allier à eux. L'arrivée des croisés sur les côtes de Syrie créerait donc une heureuse diversion qui sauvait les Fatimites d'une invasion certaine et laissait à leur art le temps d'affirmer les tendances qui, sous El-Hakim, s'étaient manifestées pour la première fois.

 
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