Pages précédentes L'ART ARABE  AL. GAYET LIVRE III. - CHAPITRE II. Pages suivantes
   Retour page Table des matières  
   
  

A peine entrés à Jérusalem, les croisés, il est vrai, s'étaient avancés vers l'Égypte. En 511 (1117), Baudouin s'était emparé de Péluse et l'avait livrée aux flammes; mais, pris de fièvre, il était mort quelques jours après et ses troupes s'étaient retirées sans penser à pousser plus loin. Depuis, les khalifes du Caire avaient évité avec soin de se mêler aux luttes soutenues par les princes syriens pour leur indépendance, et, tenus en échec par ceux-ci, les croisés n'avaient point donné suite au projet de conquête de leur chef. En sorte que quarante ans encore le khalifat put jouir de ce calme factice fait d'appréhensions et d'espérances qui est le propre des temps troublés.

Si rares qu'aient été les monuments de cette période, ils l'ont traduite à merveille. Une mièvrerie se lit dans les courbes tourmentées de leurs arabesques, l'assemblage hésitant de leurs polygones à côtés impairs et la flore malingre de leurs rinceaux. La souplesse des contours se fait frêle, les pleins s'évident et toutes les surfaces lisses se constellent de délicats ornements. Il suffit de citer comme spécimens de cette école maladive les sculptures de Gama El-Fakaany, de Gama Thélaïaboû-Rézîk, le mimber de Ghous et le mirhab de Sitta-Néfissa. Certaines sont de purs chefs-d'œuvre d'élégance. L'assemblage pentagone et heptagone est employé de préférence par les polygonistes. Rarement on rencontre le groupe dérivé du dodécagone, de l'hexagone et du carré assemblés ou de l'octogone et du carré qu'avaient employés les premiers Fatimites; et au mimber de Ghous, l'arabesque s'est entièrement affranchie de l'imitation. Elle n'est plus qu'un entrelacs fleuri, une polygonie végétale palissée sur celle du réseau.

Au milieu de cette incertitude, une révolte de palais entraîna le renversement de la dynastie fatimite. L'an 555 (1159), sous le khalife Abd-Allah-el-Added-le-dîn-Illah, un vizir disgracié, Chaour, passe en Syrie et implore l'appui du célèbre adversaire d'Amaury, Noured-dîn, pour se ressaisir du pouvoir. 

    

 

   
Celui-ci rassemble aussitôt une armée, la place sous le commandement de l'un de ses favoris, un Kurde nommé Chirkoueh, et l'envoie rétablir le vizir tombé. Mais, appelés par le khalife, les croisés l'avaient devancée et ce furent eux qu'il lui fallut combattre. Réintégré dans ses dignités, Chaour reconnut vite dans ses protecteurs ses plus redoutables adversaires et pour s'en débarrasser s'allia à Amaury. Dix années durant, l'Égypte vit alors se dérouler des négociations sans fin et des combats aussi sanglants qu'indécis, où les alliés de la veille furent ses adversaires du lendemain.

La lutte menaçait de s'éterniser quand le khalife, prenant le parti de traiter avec Nour-ed-din, lui offrit le tiers des revenus de l'Égypte s'il consentait à le délivrer de son vizir et des croisés. Quelques jours après, ces derniers, battus, regagnaient la frontière syrienne et Chirkoueh prenait au Caire la place de Chaour qu'El-Added avait fait décapiter. Ce traité ne faisait qu'accélérer la chute du khalife et celle de sa dynastie. Deux mois plus tard, Chirkoueh mourait et son neveu Salehed-dîn, le Saladin de nos chroniqueurs, s'installait à sa place. A la mort d'El-Added, il reconnaissait officiellement l'autorité des Abbassides et se faisait leur vassal avec le titre de sultan.

 

II. - LA DYNASTIE AYOUBITE.

 
L'Égypte cessait d'être la capitale du monde oriental, elle passait sous une dénomination étrangère; mais à cela près, rien n'était changé dans son existence aussi, l'avènement de Saleh-ed-dîn n'eut-il sur l'art qu'une action secondaire, visible tout au plus à quelques détails. Ses monuments dénotent la volonté et la force; une réaction s'opère, qui. fait de l'art gracile des derniers Fatimites un art plus ample. En même temps, le sculpteur remonte à la tradition des polygonistes que ne hantait pas encore l'effet des lignes dépourvues de tous ornements. 
 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes