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Les princes de cette période, s'ils parvinrent l'un après l'autre
au trône par l'assassinat, surent du moins faire preuve, une fois
couronnés, de grandes capacités militaires et politiques.
Constructeurs à l'égal des Pharaons, ils donnèrent à l'essor
intellectuel de leur temps sa direction Véritable; ils furent les
continuateurs directs des Fatimites, dont ils ne firent que
reprendre la tradition.
Une révolution pareille à celle qui avait failli renverser
Mostanser amenait au pouvoir cette nouvelle dynastie. Au cours des
guerres des croisades, l'un des derniers sultans Ayoubites,
El-Melek-es-Saleh-Ayoub, menacé jusque dans sa capitale par les
armées d'Amaury, s'était recruté une garde d'esclaves circassiens
achetés sur tous les marchés du Levant. Ceux-ci, comme autrefois
les esclaves turcomans des Abbassides et des Fatimites, s'étaient
en peu de temps rendus maîtres de tous les grades de l'armée; et
à la mort de Neym-ed-dîn, fils de Saleh-Ayoub, en qui s'éteignait
la famille Ayoubite, Chadjarat-ed-dorr, l'esclave favorite d'Es-Saleh,
Circassienne elle aussi, parvenait, à force d'intrigues et de…
galanteries, à se faire nommer sultane par les émirs de la garde,
et de ce fait devenait la fondatrice du règne le plus brillant que
l'ère arabe ait eu.
Ses successeurs, Izz-ed-dîn-Ybek-el-Djachenguir, Kottouz,
Rokh-ed-dîn-Beïbars-el-Bondoukdary, Kalaoûn,
Rokh-ed-dîn-Beïbars-el-Djachenguir, redonnèrent à l'Égypte la
place que depuis les Fatimites elle avait perdue. Les croisés sont
rejetés en Syrie, puis celle-ci est reprise et Saint-Jean-d'Acre,
le dernier rempart des chrétiens, enlevé d'assaut. L'invasion
tartare est arrêtée par Kottouz; et Houlakou, petit-fils de
DjenGiz-Khan, taillé, en pièces, en trois batailles rangées par
Beïbars. En même temps, celui-ci met avec une extrême habileté
ses victoires au service de sa politique. En 655 (1257), les
Abbassides avaient fui de Baghdad devant les Tartares pour venir au
Caire demander asile au sultan.
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Vainqueur, Beïbars s'empresse de
reconnaître la suzeraineté des réfugiés et fait proclamer
khalife le fils d'El-Daher-b-amr-Illah, en remplacement d'El-Motassem-b-Illah, mis à mort par ordre de Houlakou.
Mais en même temps le Caire devenait le siège du khalifat
abbasside et tout pouvoir était perdu pour celui-ci. Ce n'était
plus qu'une dignité purement spirituelle, dont l'autorité
s'exerça dès lors sous la protection des sultans d'Égypte, qui
tirèrent de l'investiture qu'elle leur donna un prestige précieux
et une suprématie absolue et incontestée de tout le reste du
monde musulman.
Une fois encore l'Égypte était le foyer de la civilisation arabe.
L'art y refleurissait ; non pas que les nouveaux souverains fussent
des protecteurs éclairés, des hommes doués de goûts délicats
et enclins aux idées artistiques; anciens esclaves, ils gardaient
une âme d'esclaves et l'art n'était à leurs yeux qu'un moyen
d'étaler leur autorité et leurs richesses et de satisfaire à
leurs caprices les plus extravagants. Mais, entravée quatre-vingts
ans par des influences étrangères, l'école d'art des Fatimites
reprenait son indépendance et se donnait librement essor.
L'architecture de la chapelle funéraire devient celle de la
mosquée, au mépris de ce passage de la Sounnah: " Vous
n'enterrerez pas vos morts dans le temple. " L'emploi de la
voûte se généralise, toutes les droites se courbent et le
développement des lignes ascendantes va s'accentuant
progressivement. L'architecte renonce à la plate-bande et, libre
de toute contrainte, remanie le plan du sanctuaire à son gré.
Au retour de la campagne glorieuse qu'il venait de soutenir contre
Houlakou, Beïbars, le premier, |
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