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fait construire sur le terrain du meidan - champ de course aménagé pour le jeu de paume à cheval - du célèbre ministre de Saleh-ed-dîn, Karagouch, une mosquée dont la coupole disparue était, au dire des contemporains, une copie de celle de l'une des tombes les plus saintes du karafah, la chapelle de l'iman Chaffey. " On expédia des ordres, dit Makrîsi, dans toutes les provinces pour faire venir des colonnes, des dalles de marbre et du bois pour la construction des plafonds. La plupart des matériaux furent dus à la destruction du château de Jaffa. " A lire ces récits, on se croirait transporté au temps où les Pharaons chargeaient leurs principaux officiers d'aller enlever les blocs de granit destinés à leurs temples, et les comblaient de dignités pour la réussite de leur mission. Car ce sont les principaux émirs qui président aux travaux et sont récompensés quand le sultan est satisfait. C'est l'émir Alem-ed-dîn-Sangar-ech-Chougaï qui dirige la construction du mâristan de Kalaoûn : " Il faisait travailler les ouvriers à coups d'arbalète, et ceux-là mêmes qui se trouvaient à une grande distance ne pouvaient échapper à la surveillance qu'il exerçait du haut d'une échelle1. "

Le nom de l'artiste est presque toujours inconnu.

Le maksourah de la mosquée de Beïbars n'a que deux nefs d'arcades ogivales portées par des colonnes de marbre. Ses fenêtres sont aussi en ogive; des claires voies la ferment, alternativement faites d'entrelacs géométriques et d'arabesques rayonnantes. Sur les angles de l'édifice, quatre tourelles se dressent comme celles d'une église fortifiée, ceintes de créneaux en dents de scie où se brode un léger enroulement. En 708 (1308), Rokh-ed-din-Beïbars-el-Djachenguir reprend ces divers thèmes et les transpose. En 718 (1318), El-Melek-en-Nacer-Kalaoûn y introduit quelques variantes. A la mosquée d'Altoûn-Bogha-el-Merdany (733-1332) ils se compliquent; 

 

1. Quatremère, Histoire des sultans mamelouks.

    

 

    les angles intérieurs du sahn se rachètent au moyen d'un pendentif en stalactites où vient s'appuyer une sorte de lanterne de minaret. Sous El-Melek-en-Nacer-Hassan ils sont définitivement fixés. Entre temps, l'attention de l'artiste s'était portée vers l'aspect extérieur de l'édifice. Un mur nu jusque-là avait servi de façade à la mosquée; désormais son architecture proclame le triomphe de l'Islam et annonce du dehors la sainteté du lieu. Quels furent, dans cette voie, les premiers essais? Trop de monuments ont disparu pendant les croisades pour qu'il soit possible de l'établir. Quand, sous Kalaoûn, ce souci se fait jour pour la première fois, il ne reste rien à trouver.

Quoi qu'il en soit, c'est par l'évidement des pleins que se trouve être résolu le problème. Rompu à l'emploi de l'arc, l'architecte reporte toute la pesée du mur sur certains points et partage la façade en arcades fermées d'une cloison légère qu'il perce de nombreuses fenêtres, ainsi que feront plus tard les artistes de l'Occident, quand, ayant remplacé l'arc formeret compris entre les contreforts de l'église par un arc véritable, ils feront des murs latéraux des nefs d'immenses parois de vitraux.

La façade de la mosquée de Kalaoûn repose toute sur ce principe. Huit travées la divisent, dont la hauteur est égale à celle de l'édifice. A chaque pied-droit est adossée une colonne qui, en recevant sur son chapiteau une partie de la retombée, donne à l'envolée de l'arc une apparence d'extraordinaire légèreté. Une corniche court au haut des murs, crénelée de merlons en fers de hallebarde; une frise se déroule au-dessus des chapiteaux des colonnes, et chaque travée est remplie d'un mur en retrait. Sous la frise est une fenêtre garnie d'une grille à mailles réticulaires; au-dessus, de petites arcades géminées et trilobées où s'enchâssent des vitraux.

 
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