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A côté d'elles, il faut encore citer les boiseries d'Altoûn-Bogha-el-Merdany qui, quoique fort inférieures aux sculptures sur plâtre, ont pourtant une grande valeur artistique.

La composition est peut-être lourde, mais le modelé est parfait (fig. 70 et 71). Le ciseau a attaqué vigoureusement les silhouettes et les a dégagées à arêtes vives, à peine tempérées par la mollesse du relief. Une préoccupation absorbe cette école, la recherche du fantastique ; elle renonce à tout ce qui est imitation ; elle essaie de saisir l'insaisissable et de préciser l'incréé. La tige devient une spire régulière, les fleurs se refendent de lignes invraisemblables; les rosaces s'assemblent en polygones foliacés. C'est une pensée, une impression que l'artiste sculpte, et tel est ce courant que, pour le suivre plus à son aise, il met à contribution la peinture et la fait servir à rehausser son oeuvre des couleurs les plus abstraites; les demi-tons sont par lui employés de préférence; l'or y entre à profusion et sert à lisérer les profils.

 
Fig. 71. - Mosquée d'El-Merdany.
 
Ainsi enluminée, cette ornementation prend un aspect étrange ; l'irréalité de ses lignes s'efface, l'œil fasciné finit par se figurer voir en elle l'ombre d'une forme invisible, mais dont tous les contours lui seraient familiers.

Les mêmes affinités ont mis leur sceau sur les boiseries baharites. Les portes de la mosquée de Beïbars-el-Bondoukdary et de Kalaoûn ne font que répéter la donnée des frises du sanctuaire et l'assemblage polygonal en est banni. La porte de Kalaoûn se divise en deux rangées de panneaux rectangulaires, couverts chacun d'une arabesque concentrique. 

    

 

   
Celle de Beïbars en carrés séparés par des bandes de rinceaux. 

Il n'est pas d'ailleurs jusqu'aux compositions géométrales qui ne se plient à cette frénésie de l'impossible. Les polygonistes conservent bien l'enchevêtre ment des figures à côtés multiples. Ils s'appliquent bien à trouver dans les axes que le regard peut suivre à travers un dédale le choc qui frappe l'esprit; mais en même temps, sur chacune de ces figures (fig. 72), s'enchâsse un ivoire profondément fouillé, pris dans un filet de bois sombre.

Le polygone au lieu de se graver en creux, se détache en relief et sur la tonalité brune de la boiserie, l'ivoire découpe l'ajourement géométral dans-lequel sa floraison blanche s'épanouit comme celle d'un monde inconnu. Les grandes rosaces prennent l'aspect de celles de nos cathédrales avec leurs vitraux qui semblent s'éclairer sur l'au delà. Les pleins s'effacent, les lignes se fondent; il ne reste qu'une apparition blanche, fatidique, qui s'empare de l'âme jusqu'à l'en obséder.

Fig. 72. - Porte de la mosquée de KALOUN.
 

II. - LA MOSAÏQUE, LA FAÏENCE ET LES VITRAUX.

 

C'est pour obéir à ces tendances que le mosaïste renonce, lui aussi, aux végétations luxuriantes que lui avait imposées l'école 

 
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