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Son poli les avait attirés; la vigueur chromatique de ses teintes s'était trouvée d'accord avec leur compréhension du contraste des nuances; aussi, sous le règne de Beïbars et de Kalaoûn, l'employèrent-ils et le plièrent-ils à tous les besoins de leurs agencements polygonaux.
Fig. 76.

Mais l'intensité de l'image ainsi profilée correspondait trop à leur amour de l'immuabilité de la forme pour qu'ils ne lui demandassent point l'enroulement de l'arabesque et les versets du Koran. Seulement, à le tailler, ils avaient appris combien rebelle il est à la sveltesse, et combien le ciseau doit le couper à arêtes vives. C'était là de quoi les entraver dans leur tentative; ils s'en tirèrent en renonçant aux procédés habituels de la mosaïque pour l'assemblage par incrustation.

Sur le champ d'une dalle, le décor est évidé, et des morceaux de marbre taillés avec soin s'y adaptent, semés souvent de points de couleurs vitrifiées, qui de loin en loin y mettent des lumières. Si le dessin est trop frêle et le fond couvert par l'ornementation, un noyau de ciment remplace la dalle et réunit les fragments dans sa masse. Le rouge de sinople, le vert de jade et le bistre sont les tons généralement employés à ce genre de lambris. C'est tantôt un enchaînement de médaillons blancs et verts sur fond rouge (fig. 74), où tout gravite autour de quatre fleurons gironnés, dont l'ensemble délimite les contours des branchages blancs et des feuillages verts qui se balancent sur leur ramure; tantôt une dentelle blanche sur fond rouge (fig. 75) ; 

    

 

   
ailleurs une natte tressée de rouge sur fond blanc (fig. 76). Vers le milieu du XIVe siècle, l'Orient était tellement épris de ces mosaïques, qu'à la mosquée du sultan Hassan elles envahissent les murs du sanctuaire, la niche du mirhab et jusqu'au sol des liwans et du sahn. Certaines sont admirables, leur dessin est sobre, leur coloris éteint et comme doucement effacé. D'autres, par la finesse de leur travail, touchent à la marqueterie, tant sont déliées leurs imbrications; ici (fig. 77, 78 et 79), c'est une rosace que l'on dirait brodée des soies les plus vives; là, des rayures brochées de guirlandes de fleurs; ailleurs encore ses médaillons dont le dessin rappelle celui des émaux cloisonnés.
 
Fig. 77.
 

Toutefois, la polygonie reste maîtresse de ce décor et l'enserre de ses lignes inflexibles, de même qu'elle enserre l'esprit de celui qui les contemple et l'emprisonne dans son immuabilité. En même temps, la mosaïque de faïence, déjà en faveur au VIIe siècle auprès des artistes hispano-mauresques, réapparaît tout à coup à la mosquée de Cheïkhoun et au tombeau de l'iman Chaffey. D'où revenait-elle ? De Perse, s'il faut en croire les plus récents travaux de nos historiens d'art et de nos céramistes. 

 
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