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Le nom arabe de la faïence (kichânieh) et un passage d'Abou-l-Féda, où l'auteur nous dit que " les carreaux de terre vernissée employés au revêtement des murs proviennent de Kichâni, prés Samarkand ", concordent on ne peut mieux avec cette opinion. Mais, pour vraie qu'on la tienne, en faudrait-il déduire que l'Égypte eût oublié le secret de cette faïence irisée qui semble avoir étonné si fort le voyageur persan Nassiri-Kosrau? Je serais, pour ma part, d'autant moins disposé à l'admettre, que des recherches que j'ai faites dans les collections privées du Caire m'ont donné la preuve certaine qu'aux XIIIe et XIVe siècles, non seulement les fabriques égyptiennes le possédaient encore, mais qu'elles étaient florissantes et que leurs produits avaient sur les produits persans une véritable supériorité.
 

Dans la collection de M. le Dr Fouquet, j'ai noté nombre de pièces qui paraissent avoir été les modèles de ces fabriques. L'argile n'est pas celle de l'Égypte; le décor, maigre et maniéré, rappelle celui des faïences persanes, et au revers la signature El Aghami, " le Persan ", prouve qu'elles eurent une origine étrangère et furent introduites par l'importation. 

Fig. 78. - Mosquée d'Er-Rifaï, à Damas.
Mais, à côté d'elles, d'autres sont beaucoup plus importantes, qui furent fabriquées en Égypte; la pâte est l'argile égyptienne; le décor, imité du modèle persan, est ample, quelquefois même lourd (fig. 80); au revers est ce seul mot masr - Égypte. Enfin, et ceci ne laisse aucune place au doute, toutes proviennent des décombres de Fostat et se trouvaient mêlées à des pièces de rebut déformées par la cuisson. Quelques-unes portent les armoiries des émirs baharites ; quelques autres paraissent antérieures à leur arrivée au pouvoir; aucune n'est postérieure aux derniers sultans tcherkess.
    

 

   
Donc, à l'époque baharite, l'Égypte avait une école céramiste capable de pourvoir à tous les besoins de l'art arabe.

Les plus anciens carreaux de faïence mesurent 0m,10 de côté; ils sont blancs, semés d'arabesques à rinceaux bleus, rouges, verts et jaunes; en général, les tons bleus dominent ; les motifs sont petits, et leur répétition produit un grand carré symétrique ; d'autres font bande d'inscription; un léger relief souligne dans ce cas les lettres et leur donne une vigueur d'autant plus forte que le contraste des fonds est plus habilement ménagé.

 
Fig. 79. - Mosquée d'Er-Rifaï, à Damas.

Dans les tympans des arcades (fig. 81) et les niches des mirhabs, la composition s'agrandit jusqu'à en occuper la hauteur tout entière. L'artiste laisse alors libre cours à sa rêverie. C'est d'ordinaire un grand vase orné d'entrelacs d'où sort un bouquet immense de tulipes, de jacinthes et d'anémones surmonté d'une lampe de mosquée. Les branches sont méthodiquement disposées, de manière à se palmer dans le cintre du mirhab.

 

Ailleurs, c'est un grand cyprès flanqué de tiges fleuries. Perses et Arabes accordaient à ces représentations un caractère symbolique. Le bouquet, c'est la prière montant avec le parfum vers Allah. Quant au cyprès, c'est pour l'Arabe l'arbre auquel le démon fut enchaîné; un emblème de vie et de délivrance, pour le Perse, l'image de l'âme aspirant au ciel. Un réseau polygone règne autour de ces tableaux de même qu'autour des arabesques des mosaïques de marbre, et, divisé en larges panneaux, couvre le reste de l'étendue de son implacable lacis.



 
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