Pages précédentes L'ART ARABE  AL. GAYET LIVRE IV. - CHAPITRE III. Pages suivantes
   Retour page Table des matières  
   
  
A l'inverse des artistes qui dans la nature n'ont perçu que l'extérieur des choses, ils ne distinguent que la pensée qui dort au fond de ces choses et ne s'attachent qu'à elle. Peu leur importent les mille variantes par lesquelles elle se manifestera. Ils la transcrivent vivante et palpitante, dépouillée de tous les accessoires qui, pour d'autres moins habiles qu'eux, seraient la pensée elle-même : ils sont avant tout spiritualistes; ils voient avec l'âme de leur âme, alors que leurs rivaux tant admirés de l'école imitative voient avec leurs yeux et jamais au delà.

On imaginerait volontiers, d'après cette définition, que l'art arabe eut une uniformité absolue. Il n'en est rien cependant. La même idée n'est-elle pas traduite en littérature sous vingt formes différentes? C'est une littérature que l'art arabe. Un même esprit anime et dirige les artistes; chacun conserve sa personnalité. Beaucoup, sans doute, tombèrent dans des redites. Le climat d'Orient leur a rendu trop présents certains phénomènes de la nature dont la religion s'était inspirée; mais encore chacun a-t-il connu ce phénomène selon son cœur et l'a-t-il interprété à sa manière; et puis, n'est-ce pas encore une sentimentalité que cette fidélité à certains dogmes, une grandeur que cette redite? Immuable, la religion ne demande-t-elle pas une interprétation immuable, où perce seulement la piété du fidèle et où s'affine sa spiritualité.

Oui je le répète, les Arabes furent de grands maîtres. Ils ont pénétré le sens des choses, ils en ont extrait les enseignements. Chaque ligne de leur dessin a renfermé un monde d'idées enchevêtrées; ils ont senti, d'autres ont vu : et ce n'est point, j'espère, nier la beauté de la plastique antique, que de prétendre qu'une mosaïque arabe contient infiniment plus de sensations que la plus parfaite des statues iconiques, fût-elle d'un Praxitèle. Celle-là est un frémissement de l'âme; celle-ci, le moulage anatomique des muscles d'un hercule forain.

 

    

 

   
Fig. 85. - Fontaine El-Métouali.
 
CHAPITRE III
 
LE RÔLE DES FIGURES ANIMÉES DANS L' ART ARABE
 
Fig. 86. - Grifon de PISE.

Si l'hérédité monophysite de l'Égypte et le matérialisme de l'art grec ont suffi à éloigner l'Islam de la forme humaine, quelques artistes musulmans, des Égyptiens surtout, l'ont cependant sinon reproduite, du moins transcrite ; certains même l'ont abordée sans détours, non pas à la manière hellénique, mais à celle de l'Orient. Ce sont les tendances de cette école peu connue que je voudrais tâcher d'exposer ici.

De tout temps, l'art arabe a eu, quoi qu'on en ait dit, des représentations animées; rares, pour cette raison qu'il préféra de beaucoup les idées pures aux formes concrètes, et les impressions flottantes à l'imitation; 

mais assez nombreuses pour nous permettre d'établir de quelle manière il a envisagé l'anatomie humaine, et quelle formule a été sienne lorsqu'il en a entrepris le rendu. Les premières mentions faites par les auteurs arabes à ce sujet sont relatives à des portraits de khalifes. Baghdad a sa galerie de souverains; Khomarouyah, fils de Touloûn, a dans ses jardins de Kotayeh son " portrait " et celui de ses femmes. 
 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes