A l'inverse des artistes qui dans
la nature n'ont perçu que l'extérieur des choses, ils ne
distinguent que la pensée qui dort au fond de ces choses et
ne s'attachent qu'à elle. Peu leur importent les mille
variantes par lesquelles elle se manifestera. Ils la
transcrivent vivante et palpitante, dépouillée de tous les
accessoires qui, pour d'autres moins habiles qu'eux, seraient
la pensée elle-même : ils sont avant tout spiritualistes;
ils voient avec l'âme de leur âme, alors que leurs rivaux
tant admirés de l'école imitative voient avec leurs yeux et
jamais au delà.
On imaginerait volontiers, d'après cette définition, que
l'art arabe eut une uniformité absolue. Il n'en est rien
cependant. La même idée n'est-elle pas traduite en
littérature sous vingt formes différentes? C'est une
littérature que l'art arabe. Un même esprit anime et dirige
les artistes; chacun conserve sa personnalité. Beaucoup, sans
doute, tombèrent dans des redites. Le climat d'Orient leur a
rendu trop présents certains phénomènes de la nature dont
la religion s'était inspirée; mais encore chacun a-t-il
connu ce phénomène selon son cœur et l'a-t-il interprété
à sa manière; et puis, n'est-ce pas encore une
sentimentalité que cette fidélité à certains dogmes, une
grandeur que cette redite? Immuable, la religion ne
demande-t-elle pas une interprétation immuable, où perce
seulement la piété du fidèle et où s'affine sa
spiritualité.
Oui je le répète, les Arabes furent de grands maîtres.
Ils ont pénétré le sens des choses, ils en ont extrait les
enseignements. Chaque ligne de leur dessin a renfermé un
monde d'idées enchevêtrées; ils ont senti, d'autres ont vu
: et ce n'est point, j'espère, nier la beauté de la
plastique antique, que de prétendre qu'une mosaïque arabe
contient infiniment plus de sensations que la plus parfaite
des statues iconiques, fût-elle d'un Praxitèle. Celle-là
est un frémissement de l'âme; celle-ci, le moulage
anatomique des muscles d'un hercule forain.
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