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Les statues sont grandeur nature, vêtues d'étoffes magnifiques,
étincelantes de pierreries et le diadème au front. Deux cent,
cinquante ans plus tard, à l'inventaire du trésor de
Mostanser-b-Illah, figurent des pièces de soie tissues d'or, qui
donnaient la suite des différentes dynasties arabes avec le "
portrait " des khalifes et des hommes célèbres. Puis c'est
latente du vizir Yazoury, dite la Grande-Rotonde, qui était
enluminée de figures d'hommes et d'animaux; d'autres encore,
ornées des plus belles peintures, représentant des éléphants,
des lions, des chevaux, des paons et des oiseaux de toute espèce :
un paon d'or enrichi de pierreries; un coq de même métal, avec des
yeux de rubis ; une gazelle dont le corps était recouvert de
perles, et nombre d'autres figures animées, peintes, sculptées ou
tissées, " si parfaites qu'à distance on aurait cru des
êtres réels ".
Cette opinion, jetée par Makrîsi à la fin d'une définition,
peut résumer une manière de voir arabe; elle reste fort loin de la
nôtre. Ce furent les Coptes qui introduisirent dans l'art de
l'Islam la forme humaine ou semi-humaine, ces êtres mi-partie
fleur, mi-partie oiseaux ou griffons que nous montre l'art de
l'école d'Alexandrie; et personne plus qu'eux ne s'écarta
volontairement de l'art imitatif. Idéalistes plus que personne, ils
avaient fondu l'homme dans un moule hiératique, ainsi qu'avaient
fait leurs ancêtres à l'époque antique; ils ne l'avaient traduite
que d'une façon conventionnelle et convertie en une véritable
polygonie anatomique où des rapports de lignes suppléent au
modelé. Le jour où nous retrouvons leur main dans une oeuvre d'art
arabe, nous retrouvons aussi cette facture. La plus vieille qui nous
soit parvenue est le griffon de bronze de Pise, rapporté d'Égypte
en Italie au temps des croisades par le roi Amaury. L'ensemble
rappelle d'une façon singulière ces accouplements hybrides si
chers au génie de l'Égypte. Le corps est d'un lion (fig. 86) et la
tête d'un aigle. Sur la croupe est jetée une housse où viennent
s'attacher quatre écus (fig. 87) reproduisant alternativement des
figures d'aigle et de lion.
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Le poitrail du monstre est pris dans une
cotte de mailles; et, complétant l'ensemble, deux ailes s'attachent
au joint de celle-ci avec la housse, hérissées de pennes
bouclées, disposées par rangs successifs. |
A en juger par les inscriptions de la
bordure de la housse, l'œuvre est d'époque fatimite; en outre, le lion
et l'aigle étaient les attributs des divinités du Yémen, au dire des
auteurs arabes. L'on en peut donc déduire, selon toute vraisemblance,
que cette figure fut une idole de la religion nouvelle qu'essaya de
fonder El-Hakim, lorsqu'il entreprit de réformer l'Islam. Au reste,
tout en elle tend à prouver que celui qui la sculpta était Copte : son
symbolisme visible, l'invraisemblance de ses formes, la lourdeur de ses
proportions, la rigidité de ses lignes, et jusqu'à ces lions et ces
aigles dont elle est blasonnée, si pareils aux lions et aux aigles
coptes des cimetières chrétiens. Tout aussi irréels sont les lions
d'une tapisserie de Mostanser, -et j'ajouterai tout aussi coptes (fig.
88). Pour s'en convaincre, il n'est besoin que de les mettre en
parallèle avec les lions des tapisseries d'Akhmim. |
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C'est la même entente de
composition et la même inhabileté d'exécution. Il ne devait pas en
être autrement des oeuvres dont il ne nous reste que des descriptions
ampoulées. Sous les sultans baharites, le talent de l'artiste se fait
plus souple, mais en même temps le thème adopté par lui s'écarte
encore de la vérité. La grande porte de la mosquée de Kalaoûn, --
aujourd'hui au musée arabe du Caire, - est partagée en panneaux
d'arabesques; des torses humains émergent çà et là des feuillages;
des tiges s'attachent en guise de bras à leurs épaules et se
contournent au-dessus de leurs fronts. |
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