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celui de sultans bordjites1, en qui s'éteignit l'empire des khalifes.

Les grands drames qui à cet instant se déroulèrent en Orient en précipitèrent la décadence. Dès le règne de Barkoûk, les hordes de Timour-Lenk envahissent l'est de l'Asie et menacent les frontières de Syrie, tandis que Bayazîd (Bajazet) se taille un empire dans les ruines de l'empire de Constantin. L'un ou l'autre des deux périls était grave pour l'Égypte. Le sultan crut choisir le moindre en embrassant le parti de Bayazîd, à l'instant où celui-ci essaya de disputer l'Asie à TimourLenk. Bayazîd défait à Ankorah, il ne restait plus à Farag-Zeyn-ed-dîn, son fils, qu'à reconnaître la suzeraineté du conquérant tartare et à se déclarer son vassal. Délivrée des Tartares par la mort de Timour,, l'Égypte se relève une heure sous Barsébaï. Elle entreprend des expéditions contre les Francs, s'empare de Chypre et s'allie au sultan Moûrad (Amurah II). C'était là le dernier reflet d'une grandeur qui allait s'éteindre.

Sous le règne débonnaire du pieux Kaïtbaï (872-901;1467-1475), Mahomet III, vainqueur des Perses, se tourne à son tour vers la Syrie. Mais la mort l'arrête en Anatolie, et ses deux fils, Bayazîd et Djem, se disputent le trône. Djem, vaincu, vient chercher un appui en Égypte, que Kaïtbaï ne sait pas lui refuser. Une guerre éclate, âpre et terrible, au cours de laquelle Kaïtbaï, quoique vainqueur, entame des négociations de paix et cède à son vaincu Tarse et Adamah, pour obtenir de lui un désarmement. Vingt ans plus tard (896) (1490), sous Khonsou-el-Ghoury, les deux fils de Bayazîd II, Korkoûd et Selym, se disputent à leur tour le trône ; et Korkoûd vient, lui aussi, demander l'appui de l'Égypte, et Khonsou-el-Ghoury le lui accorde; 

 

1. Bordjites vient de bordj, tour, fortification, château fort. La garde tcherkess avait reçu ce nom de bordjite, parce que les sultans baharites la chargèrent de la défense des forts.

    

 

   
et de même que Bayazîd, Selym se précipite vers la Syrie et l'envahit. Cette fois, le sort des armes est propice aux Turcs. Khonsou-el-Ghoury, taillé en pièces à Alep, tombe de cheval pendant la retraite et est écrasé par les fuyards. En vain son neveu Toman-baï essaie de réunir les débris de l'armée et de lever de nouvelles troupes. Le 29 du mois de Doul-Hageh 922 (23 janvier 1517), une bataille décisive s'engage aux portes du Caire. Tomanbaï y avait attendu son ennemi de pied ferme, se fiant sur l'effet de quatre-vingts pièces d'artillerie qu'il avait enlevées à prix d'or aux Vénitiens. Complètement défait, il rentre au Caire, résiste jusqu'à la dernière minute, de barricade en barricade, de terrasse en terrasse. Forcé enfin de s'enfuir, il se dirigeait vers Alexandrie, quand, reconnu par des Bédouins, il fut arrêté par eux et livré aux Ottomans. Selym le traita d'abord avec égards : pendant plusieurs jours il eut avec lui des conférences suivies; il l'interrogea sur tous les détails de l'administration du pays. Un instant, on put croire à son intention de faire de son prisonnier son vassal. Après une dernière entrevue, n'ayant plus rien à lui demander, il donna l'ordre qu'on l'allât pendre à la porte Ez-Zouïleh. L'empire des khalifes n'était plus que des vilayets ottomans.

A l'intérieur, la situation n'était pas moins troublée. Aux turbulences des émirs venaient se greffer les efforts tentés par les khalifes, qui un instant essayent de ressaisir le pouvoir temporel et de rétablir le khalifat à leur profit. L'un d'eux, Motaouakkel, réussit à faire déposer Barkoûk ; plus heureux, Mostay-b-Illah, aidé de l'émir Cheikh-el-Mamoudy, s'empare du trône, d'où, quelque temps après, son complice le renverse pour régner seul sous le nom d'El-Melek-el-Moyyed.

 

II. - LES CARACTÈRES DE L' ARCHITECTURE BORDJITE.

 

A cette décadence politique, on s'attendrait à voir correspondre une décadence artistique non moins complète et non moins rapide.

 
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