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En un mot, ils sont et restent des oeuvres d'art isolées; pour les admirer, il faut oublier le milieu où ils ont fleuri.
 
Fig. 101. - Mosquée d'EL-MOYYED.
Fig. 101. - Mosquée d'EL-MOYYED.
 
    

 

   

Les mosaïstes bordjites, à l'encontre des mosaïstes baharites, ont recherché l'ornementation florescente et les demi-teintes (fig. 91 et 100) ou les vastes compositions dont le détail se détache nettement de l'ensemble; ils évitent avec soin la superposition des figures et des lignes; leurs sujets sont simples et largement dessinés; on y rencontre peu d'assemblages géométriques, et rarement les motifs employés ont plus de trois inflexions. Néanmoins, l'impression produite a souvent une intensité captivante; non plus troublante, ainsi que l'était celle des polygones, mais voilée et éteinte comme les nuances de leur coloris.

La mosquée du sultan El-Moyyed (815 - 1412) renferme les plus remarquables mosaïques de cette école (fig. 101 et 102) ; leur décor est généralement continu: c'est tantôt un zigzag à six mouvements noir, rouge pâle et bistre sur fond brun rouge (fig. 103 et 104) ; tantôt un zigzag ondulé noir sur bistre, rehaussé de points jaunes et verts. L'égalité des couleurs, en fondant tout l'ensemble dans une teinte uniforme, donne la sensation d'un apaisement résigné. Sous les Khonsous apparaissent les lambris de marbre noir et leurs arabesques dorées ; l'admiration qu'ils soulevèrent fut immense, quoique, à vrai dire, on n'en sut tirer que des effets médiocres, paraphrases banales des boiseries d'El-Merdany, où la lourdeur des ornements n'est point compensée par l'entente du groupement des masses et la finesse des profils : plus les rinceaux étaient touffus, et plus l'or occupait de place; c'était là le principal pour l'Arabe, à cet instant de décadence. Sous les premiers khalifes, alors qu'il ignorait les principes de l'art, il avait commencé par dorer les murs de la mosquée d'Amrou; à son dernier jour, il dorait encore ceux de la mosquée d'El-Ghoury.

Seule, la marqueterie conserve sa finesse et son élégance natives. Plus à l'abri de la dorure, elle se plie à merveille aux mille caprices de la mièvrerie tourmentée de l'artiste.

 
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