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Sa hampe est habillée de velours cramoisi et enroulée, d'un cordonnet de soie vert et blanc. Quatre colonnettes la relient à la lame, elles représentent la kaâbah de la Mekke. Une boule située au-dessous et une amulette fixée au cordonnet renfermaient chacune une relique du Prophète; la boule, un peu de terre de sa tombe; l'amulette, un morceau de son manteau. Quant au poignard, sa lame ondulée et nervée, son manche d'agate enrichi de pierreries ne laissent aucun doute sur son origine; il vient de Perse ainsi que le reste. A défaut même de la forme de ces armes, les arabesques fines qui les recouvrent sont trop conçues dans le style persan pour qu'il puisse y avoir le moindre doute à ce sujet.
 

VII. - LA MARQUETERIE.

Nulle part ailleurs, le style arabe ne s'est donné plus librement carrière que dans la marqueterie. L'habileté du polygoniste et du mosaïste s'y sont unies pour faire des meubles des sultans des merveilles. Les polygones s'y enchâssent dans les polygones; c'est un ruissellement de triangles blancs, noirs, rouges et bruns, répartis en étoiles et en rosaces, entrecoupés et entremêlés en assemblages infinis.

Deux tables de l'époque de Kalaoûn exposées au musée arabe du Caire méritent avant tout d'être citées. Toutes deux sont polygones. Le dessus de la première est donné par un entrelacs hexagone, tracé par de larges filets dans lesquels se juxtaposent des triangles et des losanges noirs et blancs. C'est tantôt une série d'étoiles à six pointes, blanc sur noir, avec pointes rouges intermédiaires; tantôt un zigzag à mouvement simple, rouge et blanc. Chaque face est divisée en trois compartiments. Dans l'un, sur un réseau carré est une étoile à huit pointes, dans laquelle s'inscrivent tour à tour un octogone régulier, puis trois étoiles concentriques; le tout divisé en petits carrés noirs, blancs et rouges, réunis autour d'un disque noir. 

    

 

   
Ailleurs, c'est un méandre à six mouvements semblable à celui des mosaïques de la mosquée d'El-Moyyed. Le centre du plateau de la seconde est occupé par un assemblage de rosaces à douze mailles; chaque maille en contient une autre, faite d'assemblages de triangles. Au-dessus et au-dessous, une galerie a une rangée d'arcades ogivales à claveaux appareillés rouge et noir. L'intérieur des arcades est muré d'une série d'hexagones; au-dessous courent des frises de méandres simples et de merlons blancs sur fond noir. Le reste est fourni par un réseau trigone, portant un assemblage d'hexagones. Dans l'intérieur de chacun de ceux-ci sont des hexagones formés d'hexagones, des triangles formés de triangles, des étoiles à six pointes formées d'étoiles à six pointes et chacune de ses figures se subdivise encore en triangles dans un miroitement de rouge., de blanc, de brun et de vert, où cependant les lignes restent nettes, mais si pondérées, si égales en tant que force d'image, qu'aucune ne l'emporte sur l'autre. Le regard tout d'abord n'en perçoit qu'une; à se fixer sur elle, une autre qu'il n'avait pas distinguée surgit tout à coup pendant que l'autre s'efface, puis une autre, puis une nouvelle, puis une autre encore. Les assemblages eux-mêmes changent et se modifient avec elles ; et la gamme chantante des couleurs, donnant aux visions ainsi déroulées des tons aussi changeants que les combinaisons apparues, en rend encore plus mélancolique la mobile immobilité.
 

VIII. - LES KORANS.

Dans les korans, la variété des tons dont dispose le miniaturiste, jointe à la facilité qu'il a de mêler à ses compositions des fleurs et des arabesques, porte cette sensation à l'extrême. Beaucoup sont enluminés avec un luxe incroyable. " Il ne suffit pas, dit la tradition musulmane, de connaître le livre d'Allah; il faut l'avoir lu, il faut l'avoir épelé, il faut l'avoir écrit, copié et recopié. "

 
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