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Mais tandis qu'en Occident armes
et devises restent héréditaires, en Orient elles ne sont pas
transmissibles. Le renk1 - blason - est l'emblème
d'une charge, d'une fonction, d'un grade. Il peut, en
certaines occasions, être le titre parlant donné à la suite
d'un haut fait, quelque chose d'analogue aux badges
anglais qui au moyen âge précédèrent le blason
héraldique. Un échanson a pour armes une coupe, un
porte-épée, un sabre, un dégustateur, une petite table, un
chambellan, une ou deux clefs. Un changement de titre
suffisait à la modification du renk; tel saladhar
- porte-épée - qui se blasonnait d'un sabre, nommé djachanguir
- dégustateur - ajoutait une table à son écu. De la même
manière, tel souverain remaniait ses armes selon qu'une
victoire lui avait valu un surnom; tel prince dont le renk
est connu en a pris un autre en montant au trône. C'est ainsi
qu'El-Melek-el-Achraf-Kaïtbai, dix-neuvième souverain de la
branche bordjite, avait pour blason, à son arrivée au
pouvoir, un losange en chef, une coupe sur la fasce et en
pointe un petit calice, et échangea ce renk, après
avoir reçu le titre d'el-sefy-ed-dîn - le glaive de
la religion, - contre un autre qui porte : sur la fasce un
sabre d'azur aux attaches d'or sur fond de gueules, en chef
une devise, en pointe une coupe de gueules sur fond sinople,
flanquée de deux cornes d'argent2. |
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1. Mot persan qui signifia, à l'origine,
couleur, puis blason (plur. renouk).
2. Voir la communication de S. E. Artin pacha à l'institut du
Caire, Bulletin de l'Institut. |
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Cette devise, que porte en
fasce l'écu de Kaïtbaï, comprend un groupe dé signes singuliers, qui
souvent revient dans les armoiries musulmanes, toujours le même, et qui
apparaît comme un ressouvenir antique, une réminiscence
hiéroglyphique des temps pharaoniques, transmise on ne sait comment. |
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Ce groupe, c'est celui que l'on voit (fig.
145) sur la fasce d'un écu ondulé d'époque bordjite. Ses signes
donnent, à une variante près, le groupe qui, dans la langue
hiéroglyphique, se lit : Ra neb taouï, et qui signifie : Soleil
maître des deux terres (la haute et la basse Égypte). Pourquoi ce
groupe ? Comment s'est-il imposé à la pensée musulmane? Il serait
difficile de le préciser. |
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A partir du XIe siècle les
princes Ayoubites et leurs émirs ont tous leur renk et leur
devise. Au XIIe, les Orthokîdes adoptent l'aigle à deux
têtes. On le voit en 1190 sur l'écu de l'attabek - gouverneur -
Imad-ed-dîn-Zangî, alors que l'empereur d'Allemagne Sigismond ne
l'adopta qu'en 1345, quoi qu'en aient dit les héraldistes. A la même
époque (567) (1171), Saleh-ed-dîn choisit comme symbole de sa
puissance l'aigle aux ailes éployées et au vol abaissé. Puis,
Beïbars-el-Bondoukdary prend pour renk un lion passant de belle
allure, Kalaoûn un canard, - armes parlantes (Kalaoûn signifiant
canard en mongol), Barkoûk un sonkor ou gerfaut blanc, et
Barsébaï un léopard. L'historien arabe
Aboû-el-Mahasînibn-Taghrî-Bardî rapporte que Amik, fils d'Abd-Allah,
proche parent d'El-Melek-el-Achraf-Barsébaï, avait pour renk:
" Un cercle blanc coupé d'une bande verte, sur laquelle était une
épée rouge agrémentée d'or. " - (D'argent à la fasce de
sinople, chargée d'une épée de gueules contournée d'or); et ajoute
que ce blason était fort joli et que les courtisanes se plaisaient à
le faire tatouer à leur poignet. |
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