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Cette période, l'art copte la remplit à
lui seul; s'il n'était pas artiste, l'Arabe était spiritualiste.
Aussi, dès la première heure, s'éloigne-t-il de l'hellénisme. Il
veut que l'art ait une pensée, que dans le temple son mysticisme
trouve un point d'appui. Plus que toute autre, l'Égypte avait vécu
de la vie de l'âme; plus que tout autre, le Copte, chez qui le
mysticisme chrétien avait touché à son paroxysme, était apte à
traduire de tels sentiments. L'art des monuments des premiers
khalifes est donc celui des monuments de l'école d'Alexandrie; si
quelque chose de byzantin s'y mêle, ce n'est point du byzantin
hellénique, mais du byzantin de haute Syrie, du byzantin qui a
déjà repoussé l'art grec.
Deux tendances dominent cette formation :
l'adoption de l'arc brisé et de la plate-bande et le rejet des deux
thèmes de l'architecture byzantine, l'arc en plein cintre et la
coupole. L'une et l'autre sont des tendances coptes, les côtés
saillants qui différencient les églises d'Égypte des églises de
Byzance et font de l'art copte un art personnel.
Puis, l'empire des khalifes fondé, le
goût du luxe se répand; une seconde période s'ouvre pour l'art
arabe, celle de l'élaboration de sa formule décorative.
Contemplatif et extatique, l'Arabe s'éloigne de la forme humaine,
non pour obéir à un précepte religieux, mais à un instinct. Cet
instinct, l'Orient, emporté par l'élan idéaliste du
christianisme, s'y était déjà livré, en dépit des efforts
tentés par les Grecs pour faire revivre leur plastique dans
l'église chrétienne. L'Égypte, à là tête de ce mouvement,
était retournée aux semis réguliers de fleurs et d'assemblages
géométriques simples où s'était jouée la rêverie des pères de
ses pères. Ses sculpteurs avaient traité l'homme ou l'animal à la
façon d'une architecture; à leurs modelés ils avaient substitué
des agencements ornementaux. Dès le Ve siècle, la Syrie
avait renoncé à son tour à toute représentation animée. Aussi
les premières décorations des mosquées sont-elles l'œuvre de
Syriens et de Coptes,
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de Coptes surtout qui font entrer dans leurs
compositions tous les sujets qui leur sont familiers, des rinceaux,
des feuillages mêlés d'animaux, des fleurs, des inscriptions et
quelques entrelacs. Un monument apparaît, la mosquée de
Touloùn, où les aspirations de l'architecture primitive se concentrent et
où ce style ornemental s'affirme. Si varié qu'il se fasse, il ne peut
cependant arriver à exprimer la philosophie du vague; il n'est pas un support
suffisant aux extases de l'âme plongée dans toutes les complexités de
" la délectation morose ". Alors surgit la polygonie, la
superposition des figures où le regard se perd, où les images succèdent aux
images, passent et repassent comme des fantômes, avec leurs physionomies
immuables, implacables, immobiles, pareilles à des figures de songe ou
d'évocation.
Puis une dynastie de l'Occident, celle des Fatimites, arrive au pouvoir et,
avec elle, ces tendances grandissent encore et s'imposent. L'artiste cherche
l'entrevu au moyen d'ajourements fictifs dans lesquels germe, la végétation
des arabesques les plus irréelles. La polygonie s'enchevêtre pour rendre des
sensations imperceptibles; le luxe arrive à son apogée; toutes les
industries d'art se développent et produisent des chefs-d'œuvre. En même
temps, une évolution s'opère en architecture, une troisième période
s'ouvre devant l'art : celle de l'emploi de la voûte. Les chapelles
sépulcrales du Caire ont une nef en berceau et une salle carrée couverte
d'un dôme ogival ; et ce sont encore les Coptes qui assemblent les polygones
des boiseries, sculptent les ivoires qui s'y incrustent, et bâtissent les
nouvelles mosquées; eux qui érigent le mimber de Ghous et les voûtes
d'El-Guéïouchî. Et ces voûtes sont celles des couvents anciens de la
Thébaïde, de Naggadah, d'Assouan ou d'Akhmim, des déserts de Nitrie ou de
ceux de Sété.
Puis les Tartares s'avancent vers la Syrie, et la première croisade
s'assemble.
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