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Ce n'est donc que par les contes des poètes de Haroun-er-Reschîd ou l'inventaire du trésor de Mostanser qu'il nous est possible de nous faire une idée de ce que fut le luxe des khalifes de Baghdad ou du Caire; malheureusement, les Arabes n'ont jamais su ce que c'est qu'une description rigoureuse; un détail les a frappés, ils n'ont pas vu l'ensemble. Leur témoignage peut être utile à fixer un point d'histoire ; il n'est d'aucun secours à qui cherche à dégager la philosophie de l'art.

Par contre, les XIVe et XVe siècles nous ont légué de nombreuses oeuvres dispersées aujourd'hui dans les musées et les collections privées. Les plus importantes sont au musée arabe du Caire; ce sont elles que je citerai souvent ici.

La description de la mosquée du sultan Hassan a déjà montré quelle splendeur était celle du sanctuaire baharite. La richesse du mobilier sacerdotal ne le cédait en rien à celle du décor.

En outre du mimber et du dekke; qui peuvent être considérés comme faisant partie intégrante de l'édifice, le maksourah des mosquées royales renfermait un koursi ou pupitre sur lequel était lue la sourate-el-kaf du Koran à la khotba du vendredi. Des lampadaires de bronze ciselé encadraient le mirhab, afin d'éclairer l'iman pendant la lecture du prône; des tapis précieux jonchaient le sol; des lustres de bronze et des lampes de cristal émaillé pendaient de la voûte; et dans certaines mosquées dont la disposition rappelle celle des sanctuaires primitifs était installé un kaîlagha - sorte de bassin de marbre, - qui servait aux ablutions du souverain, alors que la foule accomplissait les siennes au mahîdaah. Enfin, chacune de ces mosquées avait ses korans précieux enluminés par les plus habiles miniaturistes; les cassettes de marqueterie ferrées d'or servant à les renfermer ; les tentures de soie ou de tapisserie dont était drapé le mimber aux jours de fête; les étendards qui y étaient arborés et les armes qui y étaient suspendues.

    

 

   
Fig. 114. L'ornementation du koursi participe de la boiserie à réseau polygone et de cette menuiserie découpée particulière à l'Orient, dont la légèreté a séduit tant d'artistes, la moucharabiyeh. L'étymologie de ce mot répond peu à l'acception que de nos jours il a prise. Moucharabiyeh vient de la racine arabe - chrab - boire.
Originairement, ces petits grillages, adaptés au-devant d'une fenêtre à la manière d'une tourelle saillante, n'avaient d'autre but que d'abriter des vases de terre poreuse remplis d'eau. L'air pénétrant de tous côtés établissait autour d'eux un courant réfrigérant qui en abaissait la température. C'était là qu'on venait boire et qu'on regardait à loisir le mouvement de la rue sans crainte des regards indiscrets. Le goût de l'Arabe pour la solitude contemplative aidant, on n'avait point tardé à faire de ces abris des balcons grillés. L'art s'en était aussitôt emparé et en avait tiré des chefs-d'œuvre; si bien que certaines vieilles maisons du quartier de Touloûn ont encore des moucharabiyehs, dans lesquelles plus de douze cents pièces sont assemblées dans un mètre carré (fig. 114), à la manière dont le sont les petits pans coupés de nos meilleurs artistes de la Renaissance.

Le koursi des mosquées royales est une sorte d'estrade haute de 1m,20 environ, vers l'extrémité de laquelle une seconde petite estrade, coupée d'une échancrure à double inclinaison, permet de poser un livre ouvert. Sur la première estrade le lecteur se tient assis, les jambes croisées; sur la seconde est placé le Koran.

Le koursi de la mosquée de Kaïtbaï (fig. 115) mérite d'être cité entre tous pour sa date certaine et la pureté de son style. 

 
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