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II. - LES VERRERIES.
Les verres arabes antérieurs au
XIIIe siècle sont fort rares; les plus anciens
remontent au règne des Fatimites, tous paraissent avoir été
fabriqués à Alexandrie ou à Mansourah. |
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L'Égypte antique avait poussé
fort loin l'art de la verrerie ; il n'est pas de jour qu'on ne
retrouve dans ses tombes quelques flacons, ou quelques
amulettes de verre irisé ou coloré de tons différents. A
l'époque copte, il est souvent fait mention dans les
légendes religieuses de vases et de vitraux. |
Les églises sont
éclairées par des lampes de verre fabriquées en Égypte, et
à l'apparition de l'Islam, le Copte se fit, à n'en pas
douter, le verrier des khalifes, de même qu'il en fut
l'architecte et le sculpteur.
Certes, je n'ignore pas que l'éminent auteur de l'Art
de la verrerie, M. Gerspach, a consacré un chapitre
entier de son remarquable travail aux cristaux d'Orient. Mais,
pour minutieux que soit ce chapitre au point de vue technique,
il me semble ouvrir la porte à bien des controverses. Tout
d'abord, M. Gerspach place le berceau de la verrerie orientale
à Constantinople, et c'est de cette ville que les verriers
partent pour enseigner leur art à Thessalonique, à
Alexandrie et dans tout bassin de la Méditerranée. Pour ce
qui est d'Alexandrie il me sera permis, j'espère, d'en douter
un peu. L'Égypte avait une école de beaucoup supérieure à
celle de Constantinople; la répugnance du Copte pour l'art
hellénique christianisé s'est manifestée dans l'art du
verre comme dans tout le reste ; et comme dans tout le reste
ses affinités spiritualistes s'y sont fait jour. Nassir
Khosrau nous a laissé quelques renseignements intéressants,
qui montrent que la fabrication des cristaux était fort
répandue en Égypte à l'époque où il la visita. " |
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A
Masr, dit-il (en Égypte, Masr signifiant à la fois l'Égypte
et le Caire, et non un faubourg du Caire, ainsi que quelques
auteurs l'ont cru), on fabrique un verre transparent d'une
grande pureté; il ressemble à de l'émeraude. " Et plus
loin: " La kaâbah de la Mekke est éclairée par des
fenêtres munies de vitraux laissant passer le jour et
empêchant la pluie de pénétrer à l'intérieur. "
Au
XIVe siècle, Makrîsi mentionne dans le trésor de
Mostanser-b-Illah de nombreuses boîtes de cristal, des brocs
et des coupes d'une transparence admirable. Quelques pièces
de ce trésor sont même arrivées jusqu'à nous. C'est
d'abord une buire en cristal de roche du musée du Louvre, un
vase du musée de Florence, le verre de l'empereur d'Allemagne
Henri II et l'aiguière du trésor de Saint-Marc. Cette
dernière est décorée de deux lions accroupis, séparés par
des rinceaux florescents. Au-dessous est une inscription avec
le nom d'Aziz-b-Illah, fils d'El-Moëzz, fondateur de la
dynastie fatimite. Je ne crois point que cette pièce soit
postérieure au règne du khalife. M. Gerspach suppose que l'inscription qui
la décore peut être un souvenir, une glorification, un hommage rendu à la
mémoire du souverain... C'est là une douce erreur que lui eût épargnée la
connaissance de l'Orient. Le souvenir, l'hommage rendu, la glorification sont
des sentiments très... européens. En Orient, ce ne sont que des mots vides
de sens. L'hommage n'est rendu qu'autant que celui auquel il s'adresse est
vivant.
D'autres verreries du règne des Fatimites nous sont connues et sont même
fort nombreuses en Égypte. Ce sont les monnaies fiduciaires mises en
circulation par El-Hakim-b-amr-Illah, Daher-le-Aziz-din-Illah et
Mostanser-b-Illah. Ces monnaies consistent en petits disques de verre
transparent, ambre, violet, vert ou rouge. Les uns portent une inscription;
les autres des ornements tels que le sceau de Salomon ou la rosace. Pourquoi
ces formes? Je ne m'attarderai pas à le chercher. Je me bornerai à rappeler
en passant que ce sont là autant de formes coptes. A chaque instant on les
retrouve sur les coins qui servaient à frapper les hosties au IIe siècle de
l'ère de Dioclétien (fig. 119).
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