Une preuve irrécusable de la supériorité
reconnue par tout l'Orient aux tapisseries égyptiennes est que, dès le
règne d'Abd-Allah, l'Égypte, a fourni le voile tendu aux murs de la
kaâbah de la Mekke. L'an (157) (776), le poids des tapis ainsi
suspendus menaçait la solidité du sanctuaire. Depuis, l'éclat de
cette décoration ne fit que s'accroître encore et, à l'époque
fatimite, l'inventaire de Mostanser montre à quel degré avait été
poussé l'art du tissu. La tente du khalife Daher, sortie des ateliers
de Tennis, avait coûté 14,000 dynars (200,000 fr.) et était tissue
d'or pur1. Des descriptions faites par Makrisi de ces tentes
et de ces tapis, il ressort clairement que leurs dessins n'étaient
autres que ceux des broderies et des tapisseries coptes de la même
époque, " des figures d'hommes, d'éléphants, de lions, de
chevaux, de paons et d'oiseaux de toutes espèces ". Parmi les
tapis, les uns représentent la suite des diverses dynasties arabes,
avec les " portraits " des khalifes; les autres, les pays
connus des Arabes, comme une carte géographique. En un mot, la
décoration est formée de figures animées, mais irréelles, mais
idéalisées, qui représentent une sensation et non des muscles
inertes.
Mieux que toutes les descriptions, divers fragments de ces
tapisseries nous donnent l'idée de ce qu'elles furent : une soie
brochée, actuellement au musée de Nuremberg (fig.
88), et une étoffe tissée soie et lin, conservée au musée de
Nancy (fig. 125). Toutes deux sont fatimites. Des lions s'y affrontent
ou s'y adossent dans un médaillon. Ces derniers surtout sont
caractéristiques. Leur modelé s'est rigidifié, le détail s'est fondu
en un agencement géométral composite; la crinière s'est hérissée en
rangées d'octogones imbriqués, mélangés de triangles isocèles;
l'articulation des membres s'est marquée par un octogone ornemané et
le palmier placé entre eux a un triangle fleuri pour cime. |