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Fig. 125. - ETOFFE FATIMITE (Musée de Nancy.) ce sont les suaires des Coptes d'Akhmim ou de Salamieh (fig. 124). Longtemps les fabriques d'Alexandrie fournirent à l'Occident ces étoffes précieuses que l'on voit figurer au trésor des églises sous le nom de veta Alexandriae.

Les auteurs arabes ne font point difficulté non plus pour le reconnaître. Les villes citées par eux comme centres de fabrication de leurs tapisseries sont des villes coptes par excellence : Behneseh, Damiette, Tennis et Dabik. Makrîsi, parlant de Behneseh, dit :
" Cette ville est située à l'occident du Nil. On y fabrique des tapisseries qui portent le nom de Behnesaïah, des robes brodées, des étoffes royales et de grandes tentes.

 On y fait des tapis dont un seul a trente coudées de long et dont une couple se vend 200 milkals d'or. Lorsqu'on y fabrique une robe de laine ou de coton, un tapis, un manteau, on ne manque pas d'écrire dessus le nom de celui auquel il est destiné. "
    

 

   

Une preuve irrécusable de la supériorité reconnue par tout l'Orient aux tapisseries égyptiennes est que, dès le règne d'Abd-Allah, l'Égypte, a fourni le voile tendu aux murs de la kaâbah de la Mekke. L'an (157) (776), le poids des tapis ainsi suspendus menaçait la solidité du sanctuaire. Depuis, l'éclat de cette décoration ne fit que s'accroître encore et, à l'époque fatimite, l'inventaire de Mostanser montre à quel degré avait été poussé l'art du tissu. La tente du khalife Daher, sortie des ateliers de Tennis, avait coûté 14,000 dynars (200,000 fr.) et était tissue d'or pur1. Des descriptions faites par Makrisi de ces tentes et de ces tapis, il ressort clairement que leurs dessins n'étaient autres que ceux des broderies et des tapisseries coptes de la même époque, " des figures d'hommes, d'éléphants, de lions, de chevaux, de paons et d'oiseaux de toutes espèces ". Parmi les tapis, les uns représentent la suite des diverses dynasties arabes, avec les " portraits " des khalifes; les autres, les pays connus des Arabes, comme une carte géographique.  En un mot, la décoration est formée de figures animées, mais irréelles, mais idéalisées, qui représentent une sensation et non des muscles inertes.

Mieux que toutes les descriptions, divers fragments de ces tapisseries nous donnent l'idée de ce qu'elles furent : une soie brochée, actuellement au musée de Nuremberg (fig. 88), et une étoffe tissée soie et lin, conservée au musée de Nancy (fig. 125). Toutes deux sont fatimites. Des lions s'y affrontent ou s'y adossent dans un médaillon. Ces derniers surtout sont caractéristiques. Leur modelé s'est rigidifié, le détail s'est fondu en un agencement géométral composite; la crinière s'est hérissée en rangées d'octogones imbriqués, mélangés de triangles isocèles; l'articulation des membres s'est marquée par un octogone ornemané et le palmier placé entre eux a un triangle fleuri pour cime.

 

1. Pour les tissus d'or, voir V. Kremer, Culturgeschichte der Orient.

 
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