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   La Perse n'eut qu'une part secondaire dans la formation arabe, fort différente de celle qu'on s'est plu à lui accorder. Son art musulman n'est que l'évolution d'une formule préexistante qui ne se règle que de loin sur loi du Prophète. Ses monuments ont une arcature spéciale, - l'arc cissoïde, - que dans l'architecture arabe bien rarement on retrouve; sa peinture représente toute une école et son système ornemental, pour avoir adopté les mêmes thèmes que l'art arabe, ne les en a pas moins traités autrement.

Tout au contraire, l'étude de l'art copte permet d'établir que l'école d'Alexandrie s'imposa aux conquérants jusque dans ses moindres détails. Les premières mosquées s'élèvent en Égypte. Leur style s'y élabore sous les Ommîades, s'y fixe sous les Fatimites, qui font du Caire leur capitale et s'y affirme sous les sultans.

Ainsi établi, de profondes divergences séparent l'art arabe et l'art mauresque. Comme l'art persan, celui-ci renferme une formule préexistante; comme lui, il a une arcature spéciale, - l'arc outrepassé, - l'arc en fer à cheval, comme disent les Anglais, horse shoe arc; comme lui, il n'est qu'un reflet de la loi du Prophète; comme lui, il trahit les inclinations d'une race qui, si elle a des points de contact avec la civilisation arabe, conserve son individualité et la revendique hautement.

C'est donc bien à tort qu'on a classé l'art de l'Islam comme art mauresque. Art sarrasin a été employé d'une manière tout aussi impropre. L'appellation a, de plus, l'inconvénient d'être absurde, sarrasin n'étant que l'altération de sarraghin, nom d'un corps de cavaliers qui pendant les croisades donna fort à faire aux soldats de Godefroy de Bouillon et d'Amaury. L'équivalent de ce mot ne s'obtiendrait qu'en désignant l'art allemand du XVIe siècle du nom d'art lansquenet ou celui du règne de Louis XIII du nom d'art mousquetaire : 

    

 

   
mieux vaut encore conserver art arabe, en entendant toutefois que, sous ce titre, ne sont rangés que les monuments d'Égypte et de Syrie, contemporains du khalifat.

Ainsi compris, l'art arabe s'est encore manifesté sous tant d'aspects divers que son histoire complète remplirait trois volumes pareils à celui dans lequel il a fallu me renfermer. Ce n'est donc qu'un aperçu de cette histoire que j'ai essayé de retracer en grandes lignes. Peut-être y avait-il de ma part quelque témérité à l'entreprendre. L'art arabe est resté en dehors de notre enseignement artistique; bien peu d'auteurs s'en sont occupés et ceux qui l'ont fait l'ont apprécié d'une manière qu'il ne m'appartient pas de critiquer ici, mais qui ne m'a été d'aucun secours pour cette étude. Seules les admirables planches du grand ouvrage de Prisse d'Avennes : l'Art arabe d'après les monuments du Caire, et les notes nourries dont il les a accompagnées sont une mine inépuisable de renseignements. Mais jusqu'ici personne n'avait abordé la philosophie de l'art islamique. La tâche était ingrate, je l'avoue, et la monotonie de descriptions où repassent sans cesse les mêmes expressions était faite pour décourager les plus entreprenants : c'est pourquoi je sollicite toute l'indulgence du lecteur ; il m'a été impossible d'éviter des répétitions, puisque l'art arabe se répète peintures, sculptures, architectures, mosaïques, boiseries, étoffes, ivoires, damasquineries, miniatures, partout on ne rencontre que polygones, arabesques, inscriptions et entrelacs : ce sont, par conséquent, les mêmes termes qui reviennent pour les dépeindre et les apprécier.

 
Fig. 2
 
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