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Le 23, aux approches de la nuit, les
troupes furent massées en silence, prêtes à donner l'assaut.
Malheureusement, la lune brillait d'un vif éclat, et l'ennemi, mis
en défiance par les tentatives de la veille, faisait bonne garde.
Les sapeurs du génie se coulèrent sur le pont à travers une
grêle de balles. Beaucoup furent atteints, et les attirails qu'ils
portaient roulèrent avec eux dans le Rhummel; le peu qui s'échappa
parvint à se loger et se mit an travail. Le général Trézel,
croyant la porte enfoncée, accourut aussitôt à la tête du 59e
et du 63e de ligne ; mais la porte résistait toujours,
et la colonne, entassée sur le pont, fut littéralement hachée par
la mitraille : la position n'était pas tenable, et c'eût été
folie de s'engager plus avant. Le maréchal fit sonner la retraite.
An même moment, la colonne Duvivier partait de Coudial-Aty et
cherchait à pénétrer dans la place par la porte d'El-Djabia;
mais, faute de moyens mécaniques indispensables pour briser les portes,
l'attaque échoua complètement. Clauzel s'avoua impuissant à
atteindre son but, et l'armée dut battre en retraite. Elle était
à peine en marche que les assiégés, sortis en foule en poussant
des cris sauvages, se jetèrent sur les flancs de la colonne. Nos
tirailleurs les tinrent en respect; mais la défense était molle,
et d'une minute à l'autre nous pouvions être enveloppés.
C'est alors que le commandant
Changarnier, ne prenant conseil que de lui-même, exécuta ce
mouvement audacieux qui a commencé sa fortune militaire. Son
bataillon (2e léger), ainsi que nous l'avons dit,
formait l'arrière-garde : Changarnier ralentit sa marche et laisse
augmenter la distance qui le séparait du convoi. Bientôt il
s'arrête, forme sa troupe en carré, l'enlève au cri de Vive le
Roi! puis commande le feu. Les Arabes étaient à vingt pas : à
la première décharge, les trois faces du carré furent entourées
d'un glacis d'hommes et de chevaux ; ce qui ne tomba pas s'enfuit à
toute bride, et le bataillon rejoignit fa colonne.
L'armée poursuivit sa marche, réglant son allure sur le pas des
plus faibles; peu de jours après, elle arrivait à Bône (1er
décembre 1836). Il était temps : officiers et soldats étaient à
bout de forces!...
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Le maréchal confessa franchement son
imprévoyance. Mais s'il se montra sévère pour lui-même, il fut
juste pour ses compagnons d'armes. Au moment de partir pour Alger,
il se fit un devoir de complimenter les troupes du courage et de la
résignation qu'elles avaient montrés, et se plut à constater que
tous avaient supporté avec une admirable constance les souffrances
les plus cruelles de la guerre : et c'était vrai.
Peu de jours après, le corps
expéditionnaire fut dissous et, le comte Clauzel se rendit à
Paris. On le destitua. Cependant la France ne pouvait rester sous le
coup d'un pareil échec, et le général Damrémont, nouvellement
nommé gouverneur (12 février 1837), reçut l'ordre de s'emparer de
Constantine.
Le corps expéditionnaire montait à
dix mille hommes, divisés en quatre brigades, commandées : la
première, par le duc de Nemours, la seconde par le général
Trézel, la troisième par le général Rulhières, la quatrième
par le colonel Combes. L'artillerie avait à sa tête le général
Valée ; le génie, le général Rohault de Fleury.
L'armée partit de Medjez-Hamar le 1er
octobre 1837 ; elle arriva devant Constantine le 6, sans avoir trop
souffert et put mesurer dès la première heure les difficultés
qu'elle aurait à vaincre. Un des combattants, M. Pélissier de
Raynaud, a décrit en ce peu de lignes l'aspect que présentait la
ville au moment où nos troupes prenaient position : "
Constantine se présentait, comme l'année précédente, hostile et
décidée à une résistance énergique; d'immenses pavillons rouges
s'agitaient orgueilleusement dans les airs; les femmes, placées sur
le haut des maisons, poussaient des cris aigus auxquels répondaient
par de mâles acclamations les défenseurs de la place. C'est ainsi
que furent salués le général Damrémont et le jeune prince qui
marchait à ses côtés. |
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