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Fort-National (916m) est une véritable place de guerre construite en 1857, en cinq mois, aussitôt après la conquête de la Kabylie 1 sur le plateau de Souk el-Arba, dans le pays des Beni Raten ; elle a une vaste enceinte bastionnée de 2,200 mètres de développement. Elle est au centre même de la Kabylie, et nous en assure la possession. En 1871, elle fut assiégée et bloquée pendant deux mois, et eut à repousser plusieurs attaques de vive force. Une route de crête terminée jusqu'à Aïn Hammam, centre administratif de la commune mixte du Djurdjura, met Fort-National en relation avec Beni Mansour sur l'oued Sahel en passant par le col de Tirourda.

La muraille du Djurdjura n'est aisément franchissable que par ce chemin, tracé en corniche sur le flanc de ravins d'une effrayante profondeur et qui, malgré les travaux dont il a été l'objet, présente plusieurs endroits dangereux dans le mauvais temps. Les Kabyles utilisent plusieurs autres passages; les plus fréquentés sont le col de Chellata, qui descend sur Akbou, et le col d'Akfadou plus au nord.

La muraille côtière est traversée par la route de Dellys ou du cap Bengut, et par celle de Zeffoun ou du cap Corbelin à Tizi Ouzou.

Dellys (3,000 habitants environ) ancienne Rusucurus, ville mixte arabe et française, chef-lieu de subdivision, est la place maritime de la Kabylie.

Fort-National en est la forteresse centrale.

Aumale et Bougie flanquent les fossés extérieurs ;

Aumale à la tête des eaux de l'oued Sahel, Bougie à l'embouchure. Nous avons dit quelle est l'importance stratégique d'Aumale.

1 Voir plus loin le précis historique de la conquête.

    

 

   

Bougie est dans une situation maritime des plus avantageuses, avec une belle rade, un grand port de refuge naturel, bien abrité, au débouché des riches bassins d'Aumale et de Sétif, exactement au sud de Marseille et de Toulon, et, par conséquent, fort bien placé pour permettre aux flottes françaises de dominer la Méditerranée entre les Baléares et la Sardaigne. Les Romains y avaient une grande ville, Saldae; ce fut plus tard la capitale de l'empire berbère. Les Espagnols l'occupèrent pendant un demi-siècle. Un fort sur le Gouraya domine la rade à une grande hauteur.

La route qui unit Aumale et Bougie suit la vallée de l'oued Sahel ; elle est doublée par un chemin de fer.

Pour avoir une idée d'ensemble de la Kabylie, il faut s'élever sur les flancs du Djurdjura, en dépassant Fort-National vers le sud. On voit alors se développer le beau bassin elliptique du Sebaou, ancien lac dont les eaux se sont vidées par les coupures de la chaîne côtière.

Les énormes torrents d'un autre âge qui descendirent des crêtes du Djurdjura n'ont laissé sur ses sommets que le squelette des rochers, creusant dans leur course des ravins d'une profondeur prodigieuse, séparés les uns des autres par des arêtes si étroites qu'en certains points, elles ressemblent à des chaussées artificielles, à des ponts jetés d'une rive à l'autre et sur lesquels quatre cavaliers ne pourraient passer de front.

Les villages kabyles couronnent tous les sommets de ces arêtes. Les préoccupations de la défense et certainement aussi un instinct de race les ont amenés à grouper leurs habitations sur les arêtes. Ils en voient ainsi les deux versants et en utilisent les lambeaux de terre cultivable; mais ils n'ont pas d'eau; aussi leur faut-il aller la chercher dans les ruisseaux à une grande distance, et c'est là le labeur principal et quotidien des femmes.

Autour des villages sont souvent de beaux jardins, des arbres fruitiers, surtout des oliviers et de nombreux figuiers sur les branches desquels la vigne, qu'on

 
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