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   Villages des Beni Yeni.
(Pays du Fer. - Vallée de l'oued Aïssi.)
(Vue prise d'Aïn Hammam sur la route du col de Tirourda, au sud de Fort-National.)
    

 

   

Quoi qu'il en soit pourtant de la haute morale de leurs coutumes et de la savante législation de leurs kanouns, objets d'étonnement, dit-on, pour nos modernes administrateurs, les Kabyles nous semblent, comme les Arabes, un peuple, depuis des siècles, immobilisé dans sa vie, ennemi de tout changement comme de tout progrès, qui dissimule sa haine, qui n'est guère susceptible de comprendre les bienfaits que la nouvelle organisation municipale française répand sur le pays sous la forme de routes, de maisons d'école, de gendarmes, de gardes champêtres, etc., et qui, dans tous les cas, n'en conservera nulle reconnaissance.

La Kabylie est pauvre, parce que la terre cultivable est rare et que la population est très dense 1; aussi les hommes émigrent-ils en grand nombre dans les villes, comme émigrent les montagnards des Alpes ou ceux du centre de la France. Beaucoup s'engagent dans les régiments de tirailleurs, attirés par l'appât de la prime qui leur est payée.

Il doit exister beaucoup d'argent monnayé dans les villages. Les impôts rentrent avec une grande facilité. Les hommes qui ont émigré rapportent des sommes relativement considérables 2.

Comme les Kabyles sont sédentaires, qu'ils vivent dans des maisons, qu'ils sont des musulmans fort

1 La population de la commune de Fort-National est plus dense que celle de beaucoup de nos départements : 26,600 habitants sur 20,000 hectares.
Chez les Beni Raten : 21,000 habitants sur 9,000 hectares.
Dans la commune du Djurdjura : 60,000 habitants répartis en 113 villages, sur 47,000 hectares dont 22,000 seulement sont cultivables.
2 De janvier à août 1883, le bureau de poste de la commune du Djurdjura a payé 64,000 francs de mandats aux Kabyles de sa circonscription.

 
Villages des Beni Yeni. (Pays du Fer. - Vallée de l'oued Aïssi.) (Vue prise d'Aïn Hammam sur la route du col de Tirourda, au sud de Fort-National.)
1. Taourirt des Beni Menguillet.
2. Taourirt Mimoun (Beni Yeni).
3. Ait Larbaâ (Beni Yeni).
4. Aït Labssen (Beni Yeni), grand village de 4 à 5,000 habitants, renommés comme fabricants d'armes et de bijoux.

 

laisse croître en toute liberté, étale follement ses guirlandes, et fait mûrir ses grappes magnifiques. Vues à distance, les habitations, avec leurs constructions étagées, leurs toitures de briques rouges, leurs corbeilles de verdure, offrent un aspect pittoresque; si l'on gravit les sentiers escarpés qui conduisent au village, le charme du tableau s'évanouit et l'on voit que l'incurie kabyle ne le cède en rien à l'incurie arabe. Le Kabyle est cependant laborieux; on est tenté de l'admirer parce qu'il plante des arbres et qu'il cultive la terre; c'est une sorte de paysan démocrate, jaloux de son bien, un piéton, un travailleur agricole, tandis que l'Arabe, drapé dans son bournous, étendu paresseusement à l'ombre de son gourbis, ou trottinant sur son cheval étique, grave et dédaigneux, nous apparaît comme un grand seigneur ruiné, un aristocrate auquel notre activité fiévreuse semble digne de pitié.
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