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La Chebka est un vaste plateau de grès,
raviné et affouillé par les eaux; c'est une région caillouteuse,
absolument stérile, où les chameaux ne trouvent même plus les
misérables touffes ligneuses dont ils peuvent momentanément se
contenter.
C'est le désert dans toute sa tristesse
désolée, sans une goutte d'eau, sans une plante et, par
conséquent, sans un oiseau, sans un insecte.
Lorsque les pluies tombent en abondance,
les eaux coulent un certain temps au fond des vallées, c'est
pourquoi on leur donne le nom d'oueds; on y trouve quelques
arbrisseaux presque desséchés, qui rappellent qu'à certaines
époques de l'année, ces étroites bandes de terre sont moins
désolées que les plateaux.
Les Arabes ont donné à ce pays le nom
de Chebka, qui veut dire réseau ou filet, parce que les
ravins s'entrecroisent dans un désordre en apparence inextricable;
il y a cependant une loi régulière dans la disposition des
vallées qui viennent aboutir à quelques branches maîtresses et se
réunir ensuite dans un bassin commun, mais l'uniformité des
plateaux et des ravins est telle, que l'on ne saurait s'orienter
sans un guide expérimenté ou sans des relèvements topographiques
soigneusement établis.
Les plateaux ont de 50 à 100 mètres de
relief; dans les fonds se dressent aussi des buttes tabulaires,
véritables témoins restés debout après le gigantesque travail
des eaux.
Le sol est parsemé de cailloux de grès,
brisés à angles aigus, recouverts d'une espèce de vernis
noirâtre d'origine organique, ou rougis comme s'ils avaient été
passés au feu.
Pour quelle raison cette grande
dissemblance entre la désolation de la Chebka et la fécondité
relative de la région des dayas ? L'une fait suite à l'autre;
l'altitude
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est la même, les conditions de climat sont identiques, c'est donc
le sol qui diffère. Dans les dayas, en effet, on trouve un limon
plus ou moins argileux, tel qu'il se dépose au fond des eaux; dans
la Chebka, au contraire, le roc est abrupt et ses débris sont
concassés, mais non pétris par l'action des eaux.
Lorsque la mer couvrait le Sahara, la Chebka était sans doute un
vaste récif; les eaux l'ont ravinée aux époques des grandes
tourmentes géologiques, mais elle émergeait au-dessus des assises
sédimentaires qui se solidifiaient lentement autour d'elle.
Dans les parties les plus méridionales de la Chebka, lorsque les
ravins sont plus creux et mieux marqués, on voit qu'ils dessinent
de longues lignes presque parallèles qui convergent vers le bassin
d'Ouargla, el-Heicha (le pays touffu) ; là se trouvait
vraisemblablement un grand lac intérieur, qui ne s'est desséché
à son tour que bien longtemps après le Sahara.
Dans cette partie, les plateaux s'allongent comme des chaussées
entre les vallées des oueds; on leur a donné pour cette raison le
nom de Gantara (les ponts).
La route de Laghouat à Ghardaïa traverse la région des dayas et
la portion nord de la Chebka. Sur cette distance de 210
kilomètres, elle est jalonnée par les citernes de Nili et de
Tilghempt, construites par les ordres du général Marguerite, mais
qui n'ont pas été bien entretenues.
Quelques heures de pluie suffisent à les remplir. On peut
regretter de ne pas voir plus nombreuses ces ressources en eau. On
a creusé un puits à l'oued Setaffa, à 35 kil. de Berrian; mais
c'est à Berrian seulement, la première ville du Mzab, à 180 kil.
de Laghouat et à 30 kil. de Ghardaïa, que l'on est assuré de
trouver l'eau en quantité suffisante. |
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