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Au moment de l'expédition de Tunisie, on a ouvert une route militaire sur les crêtes de la rive gauche.

Souk Arras (6,000 habitants) (l'ancienne Tagaste, patrie de saint Augustin), qui n'était qu'un poste de surveillance, a récemment acquis, par suite de l'établissement de cette voie ferrée et de l'affluence des travailleurs, une importance considérable. Située à 740 mètres d'altitude, dans un climat salubre, on y comptait 4,000 habitants en 1881, et la ville s'est développée, à l'américaine, avec une sorte d'activité fiévreuse. Des terres excellentes ont été mises à la disposition de la colonisation. C'est à Souk Arras que s'embranche le chemin de fer de Tebessa.

L'oued Mellègue est non moins intéressant. Il est formé de deux branches. La branche occidentale dessine un long sillon orienté du sud-ouest au nord-est, qui est prolongé dans l'Aurès par la vallée de l'oued el-Arab. On n'y trouve aucune localité importante; la route de Constantine à Tebessa la traverse au bordj Meskiana, centre de quelques belles cultures européennes.

La branche orientale de l'oued Mellègue, appelée oued Guelat, descend des montagnes de Tebessa. Elle correspond par ses sources, d'une part avec l'oued el-Hathob (route de Kairouan), de l'autre avec la vallée de l'oued Hallail (route des oasis de Ferkane et de Negrine).

A l'époque romaine, cette contrée était riche et peuplée, comme le témoignent les ruines magnifiques qu'on y retrouve. Elle fut illustrée par le philosophe Apulée et par saint Augustin qui en étaient originaires. Plus tard, elle fut dévastée par les Vandales, puis par les Arabes.

Tebessa (ancienne Theveste), au pied des derniers contreforts du djebel Doukan, est certainement la plus belle ville romaine de l'Algérie. Ses magnifiques remparts, en partie détruits par les Vandales, réparés par les Byzantins, lui forment encore une enceinte superbe, bien qu'on leur ait pris la plupart des matériaux des constructions militaires modernes. On y peut encore admirer un arc de triomphe bien conservé,

    

 

   

un temple de Minerve et les ruines d'une vaste basilique en dehors des portes. La Tebessa moderne n'occupe qu'une partie de l'emplacement de la Theveste romaine. Sa population n'est que de 3,000 habitants environ, dont un petit nombre d'Européens ; mais la salubrité de son climat à 1100 mètres d'altitude, l'abondance de ses eaux, la beauté de ses jardins, lui promettent un avenir prospère, maintenant qu'un chemin de fer la met en relation avec le Tell.

Theveste était le point de jonction de huit voies romaines; dont les plus notables étaient celles de Lambèse, de Constantine, de Souk Arras, du Kef par Haydra, où se voient des ruines considérables, et de Gafsa. Tebessa est actuellement le point d'appui de la domination militaire du sud-est de l'Algérie et la place de ravitaillement des colonnes qui ont à opérer dans le sud vers Gafsa, Negrine, et dans le djebel Cherchar. Elle est au centre des territoires des Nemencha, grande tribu, restée très longtemps insoumise.

De Tebessa à Souk Arras, on suit, soit la vallée de l'oued Mellègue, soit la vallée d'el-Meridj. Cette dernière direction, qui est la plus courte, est jalonnée par le bordj du caïd Lakhdar chez les Oulad Sidi Jahia, et par les smalas de spahis d'el-Meridj et d'Aïn Guettar. Ces postes ont été créés à grands frais, mais le sol s'est asséché ; les eaux ont disparu, et les espérances de culture ont été détruites. Ils n'ont d'ailleurs plus de raison d'être depuis que nous occupons la Tunisie, dont ils surveillaient la frontière, et ils n'ont d'autre valeur aujourd'hui que celle de postes de douane. La smala d'Aïn Guettar, à une vingtaine de kilomètres seulement de Souk Arras, est toujours riche; mais celle d'el-Meridj 1, dont le nom veut dire les prairies; dresse tristement ses murs au-dessus de jardins abandonnés et d'une plaine desséchée.

C'est à la smala d'Aïn Guettar que se manifestèrent les premiers symptômes du mouvement de 1871, par la mutinerie des détachements de spahis que l'on voulait faire partir pour la France, et par l'insurrection de la grande tribu des Hanencha.

1 Sa construction a coûté 2 millions.

 
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