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de planter le drapeau français au milieu de ces insolentes
populations. De loin, on juge plus froidement; on pèse les
inconvénients de ces expéditions d'aventure, et l'on retient le
mieux possible l'ardeur des avant-gardes. On peut prévoir cependant
que, dans un temps donné, nous serons fatalement entraînés â
vouloir modifier cette situation et sonder cet inconnu.
La seule voie française vers le Soudan,
dit le général de Colomb, est celle qui, partant des ksour des
Oulad Sidi Cheikh, est jalonnée par le Gourara et le Touat.
Sur cette route, à 12 ou 15 jours de marche, le premier groupe
d'oasis est celui du Gourara.
Les caravanes de l'Algérie qui se
rendent au Gourara et au Touat se réunissent à el-Abiod ; elles
sont ordinairement constituées de trois groupes principaux qui
arrivent par trois directions :
1° Les Laghouat du Ksel et les gens du Djebel-Amour ; 2° Les
Harar, les Oulad Ziad, et les Trafi ;
3° Les Hamian.
Les voyageurs, après avoir fait leurs
dévotions à la koubba de Sidi Cheikh et cherché, par leurs
offrandes, à se le rendre favorable, partent au commencement de
décembre. Le voyage dure en moyenne 65 jours jusqu'au retour.
La caravane, marche réunie jusqu'à
Mengoub, en se faisant protéger par les goums contre les attaques
des pillards. Au delà, commencent les areg et les dangers sont
moins grands ; on se fractionne alors sous trois directions
jalonnées par de rares puits, pour pouvoir marcher plus facilement
et trouver une plus grande quantité d'eau, et l'on se réunit de
nouveau à Sidi Mansour, après 11 jours de marche.
Au retour, des cavaliers envoyés en
avant préviennent du jour où la caravane sortira des areg, et les
goums des tribus se portent au-devant d'elle pour l'escorter comme
au départ.
Les caravanes emportent, pour les
échanges, des moutons, des laines, du blé, de l'orge, des graines
et un peu d'argent
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monnayé. Dans leurs chargements, on ne trouve aucun produit de
l'industrie européenne, à part quelques objets de ménage en fer
battu. Les échanges se font au Gourara, et, suivant les cas et le
prix des dattes, des fractions s'avancent plus au sud, dans les
oasis du Touat et jusqu'à Insalah 1.
Gourara. - Le groupe des oasis du Gourara s'étend du
nord-est au sud-ouest, sur une grande surface occupée en partie
par une sebkha sur la rive de laquelle s'élèvent les ksour. Ils
sont divisés en neuf districts.
Le commandant Colonieu a visité le Gourara en 1860.
Timimoun est l'oasis la plus importante. Dans l'enceinte se
trouve une forte kasba.
Oulad Saïd est, après Timimoun, 1e principal marché.
Le Gourara produit des dattes en abondance; on y cultive aussi des
figuiers, la vigne, les amandiers, un arbuste toujours vert,
appelé keranka, dont le bois sert à faire le charbon, un peu de
blé, et des légumes. Les habitants sont sédentaires;
cependant les Meharza, auxquels le voisinage des areg offre
quelques ressources en pâturages, ont des chameaux, des chevaux,
et des moutons avec lesquels ils voyagent autour de Tabelkousa.
Partout ailleurs ces animaux sont fort rares. En dehors des oasis,
le pays est d'une aridité extrême.
1 La caravane des Trafi, partie d'el-Abiod le 6
décembre 1880, comprenait : 4,332 hommes à pied, 37 cavaliers,
566 femmes, 348 enfants, 6,065 chameaux, 4,844 moutons.
Elle a rapporté : 1268 quintaux de dattes, des épices, du tabac,
et une certaine quantité de paniers et de plateaux en palme et en
alfa.
Le bénéfice réalisé a été de 50 francs, de 100 francs, et de
200 francs par chameau, selon la distance à laquelle les
différentes fractions se sont avancées vers le sud.
On est frappé du nombre de femmes et d'enfants qui accompagnent
ces caravanes. Loin de craindre la fatigue de ce pénible voyage,
les femmes le considèrent comme une partie de plaisir. C'est
l'événement le plus intéressant de la vie monotone du désert;
elles y font d'ailleurs quelques petits profits personnels en
vendant de menus objets fabriqués par elles, et elles tiennent
tellement à ce voyage, que l'on voit souvent la promesse d'en
faire partie insérée dans les contrats de mariage. |
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