Pages précédentes GÉOGRAPHIE MILITAIRE  LIVRE VI ALGÉRIE et TUNISIE Pages suivantes
 - 250 -  Retour page Table des matières  - 251 -
   
  

L'Algérie n'est pas une terre quasi-vacante, comme l'étaient, à l'origine, l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, et les États-Unis; elle ne peut donc, comme ces dernières contrées, être simplement une colonie de peuplement, servant de déversoir à l'exubérance de la population de l'Europe.

L'Algérie n'est pas davantage une terre où tout le sol soit occupé et cultivé par une population dense, de mœurs douces, comme les Indes ou l'île de Java, et ne peut être, comme ces dernières, une pure colonie d'exploitation.

La colonisation de l'Algérie est sans précédents et sans analogie dans l'histoire ou dans les temps présents 1 », si l'on en excepte cependant la colonisation romaine, sur le même sol et au milieu de populations semblables ou à peu près.

« On ne trouve donc pas en Algérie de vastes espaces vacants, sans propriétaires ou faciles à acquérir.

Toutes les terres y sont, sinon occupées, du moins possédées à titre particulier ou collectif; mal cultivées, il est vrai, mais cependant cultivées ou livrées à la pâture de nombreux troupeaux errant d'une région à une autre.

Au lieu d'une population insouciante et molle, comme celle qui accueillit les Espagnols dans l'Amérique du Sud, ou disséminée et inculte comme les tribus sauvages qui parcouraient les solitudes de l'Amérique du Nord avant l'arrivée des Anglais, nous avons affaire, en Algérie, à une race nombreuse, fière, aguerrie, récalcitrante aux usages modernes, civilisée toutefois de très vieille date et puisant dans son indomptable foi aux préceptes du Coran assez d'orgueil pour mépriser

1 Paul-Leroy-Beaulieu, Revue des Deux-Mondes, 1882.

    

 

   

toutes les autres religions, assez de force pour accepter tous les sacrifices, prête, si elle croit entendre la voix de son prophète, à braver intrépidement la mort 1. »

Les premiers essais sérieux de colonisation remontent à une trentaine d'années à peine, et lorsque l'on voit, sur la limite méridionale du Tell, des villes européennes, en pleine prospérité, telles que Bel Abbés, Tlemcen, Mascara, Saïda, Aumale, Sétif, Batna, etc.; lorsque l'on admire les cultures de leurs banlieues, les superbes villages de la Métidja, des plaines du Chélif, du Sahel, et de la Seybouse; les routes que desservent des services réguliers de diligences; les chemins de fer qui se multiplient de tous côtés, non seulement on est obligé de rendre un hommage mérité aux premiers pionniers français sur la terre d'Afrique, mais on s'étonne des résultats considérables déjà obtenus.

La question capitale au début de toute colonisation est le nombre et la qualité des émigrants.

La population de la France, qui ne s'augmente qu'avec lenteur, n'a guère de superflu à jeter dans ses colonies; le bien-être toujours croissant des habitants des campagnes; la facilité avec laquelle, en France, le travailleur peut devenir lui-même petit propriétaire foncier; la liberté et la sécurité dont il jouit, ne le prédisposent pas aux aventures de l'émigration; ceux qui s'y exposent ne sont ni les plus raisonnables, ni les plus courageux, et la pénurie de leurs ressources ne leur permet guère de réussir.

Cependant on a vu, à la suite des désastres causés dans le midi de la France par les ravages du phylloxéra, d'énergiques et habiles

1 D'Haussonville, La Colonisation officielle en Algérie.

 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes