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   dans les steppes non cultivables, le pasteur, le nomade, s'il ne consent à transformer son mode d'existence et à se fixer au sol pour le labourer?

Mais, d'autre part, l'une des préoccupations principales de la politique de la France doit être de ne pas froisser les sentiments, les habitudes, les préjugés des 3 millions de sujets musulmans de l'Algérie, et des 2 millions dont le protectorat de la Tunisie lui donne la direction.

Notre attitude vis-à-vis de la population indigène a passé par des phases bien diverses. « Un temps est venu, après la guerre, où nos généraux, qui avaient légitimement pris la haute main dans la direction des affaires de notre colonie africaine, se sont, avec la générosité habituelle à notre race, laissés aller à témoigner une prédilection presque avouée pour des adversaires qu'ils avaient glorieusement vaincus. »

L'empereur Napoléon partagea leur sentiment, et de là cette vision éphémère du royaume arabe.

« Depuis 1871, une réaction évidente s'est produite. Tout le territoire du Tell a été placé sous le régime civil, et les nouveaux fonctionnaires sont loin d'être animés à l'égard des indigènes de sentiments de complaisance (les malveillants ont dit de fâcheuse partialité) qu'on a reprochés à nos généraux et aux officiers des bureaux arabes. »

On peut constater cependant que, dans les territoires où n'a pas encore pénétré la colonisation, dans certaines parties de la Kabylie, par exemple, les administrateurs civils se laissent séduire, comme nos officiers, par les côtés généreux du caractère des indigènes.

Ils deviennent leurs protecteurs naturels, se considèrent comme les défenseurs de leurs droits, cherchent à améliorer leur situation, et reculent,

    

 

   

autant que possible, le moment où ils auront à lutter contre l'envahissement du colon européen.

Les premiers travaux de colonisation furent commencés dans les collines du Sahel d'Alger, sur les terres faisant partie de l'ancien domaine du dey.

Sous la protection de fortes garnisons et avec la coopération de nos soldats, la colonisation s'étendit de proche en proche jusque dans la plaine de la Métidja. On y trouvait des terres d'une merveilleuse fertilité, mais dont le défrichement était à la fois pénible, coûteux, et malsain. La constance des colons ne se rebuta pas; ils assainirent par leurs plantations les marais pestilentiels, les transformèrent, et créèrent ces villages florissants, entourés d'ombrages, que l'on voit sur le chemin de fer d'Alger à Oran; mais au prix de quels sacrifices! A Duperré, à Boufarick, par exemple, la population se renouvela jusqu'à trois fois !

La plus-value acquise par les terres engendra bientôt des spéculations fâcheuses, et, pour les restreindre, on dut imposer aux concessionnaires des terres nouvelles des conditions assez étroites, la construction de maisons, la plantation d'arbres, de haies, l'ouverture de fossés, la résidence obligatoire, et il arriva que ces entraves paralysèrent les féconds efforts de l'initiative individuelle.
En 1847, le maréchal Bugeaud conçut un plan de colonisation militaire qui ne donna pas de résultats plus heureux. Des camps agricoles furent créés avec des soldats ayant encore trois années de service à faire; « mais comme il est difficile de faire de la colonisation avec des célibataires, il leur était octroyé un congé de trois mois, au bout desquels ils étaient disciplinairement tenus de revenir en Algérie, munis chacun d'une épouse légitime 1. Ne se croirait-on pas en présence de

1 D'Haussonville, La Colonisation officielle.
Malgré les plaisantes critiques que souleva cette idée, elle fut cependant mise en pratique. M. d'Haussonville raconte que « la ville de Toulon

 
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