|
demanderait le sacrifice de plusieurs générations, et, lorsque
cette adaptation serait achevée, l'Européen aurait disparu, un
nouveau type d'hommes aurait été créé. Mais, dans les vallées
et sur les montagnes du Tell, partout où le climat et les cultures
sont analogues à ceux de l'Europe, l'Européen tend à remplacer
l'Arabe. Celui-ci ne nous est point assimilable; les habitudes de
race, plus encore que les préjugés religieux, élèvent entre
l'Arabe et nous une barrière qui ne sera sans doute jamais
renversée.
A côté des superbes cultures de nos
colons, de leurs habitations propres et salubres, l'Arabe continue
à vivre sous ses misérables gourbis et à gratter
superficiellement un sol admirablement fécond, sans prendre la
peine de le défricher; cultures et abris portent un singulier
caractère de vie au jour le jour, insouciante, imprévoyante, sans
lendemain. « Les générations se succèdent sans laisser pour leur
survivre d'autres oeuvres que quelques tombeaux. »
Les indigènes fournissent pourtant à
nos fermes, et même à nos industries, une main-d'œuvre précieuse
dont on ne saurait se passer.
Il n'est donc pas possible de les
refouler; nos intérêts même nous le commanderaient, si nos mœurs
ne répugnaient à cette politique sauvage; il y a d'ailleurs place
pour eux et pour nous sur un territoire très vaste que la
colonisation française n'est pas encore près de combler.
D'ici longtemps encore, la France ne
saurait fournir, en nombre suffisant, les travailleurs agricoles
nécessaires; et, s'il faut être réduit à attirer dans notre
colonie des Espagnols et des Italiens, mieux vaut conserver les
indigènes, qui, du moins, sont sujets français et assujettis aux
conséquences de la conquête.
|
|
|
|
Quelques grands propriétaires arabes ont cependant suivi nos
exemples de culture; quelques hommes instruits entrent dans nos
administrations; mais, en réalité, les efforts faits pour amener
l'Arabe à nos idées et à notre manière de vivre n'ont encore
donné aucun résultat sérieux.
Les exceptions individuelles que l'on pourrait citer ne font que
confirmer la généralité de ce fait d'expérience. Très souvent
même les jeunes Arabes élevés au milieu de nous reprennent; dès
qu'ils le peuvent, la vie de la tente, et l'on voit des jeunes
filles, habituées aux délicatesses de l'éducation européenne,
préférer la vie du douar à la condition honorée qu'elles
auraient dans la société française. « La louve retourne au
loup. »
Après un demi-siècle de domination en Algérie, nous sommes
encore fort imparfaitement renseignés sur les détails de la vie
sociale des populations indigènes. La famille musulmane est close;
il est fort difficile, sinon impossible, de se rendre un compte
exact des relations qui existent entre ses membres. On sait que
l'autorité du père est ordinairement considérable et respectée,
mais on a peut-être attribué un rôle trop restreint à la femme,
épouse ou mère.
Dans les classes inférieures de la société arabe, comme dans
toutes les sociétés d'ailleurs, la femme n'est souvent qu'une
servante astreinte aux labeurs les plus pénibles, tandis que
l'homme est plus ou moins paresseux. Le contrat de mariage peut
bien n'être qu'une sorte de contrat de louage ou d'association
inégale, facile à rompre par le divorce et qui asservit l'être
le plus faible à la tyrannie du plus fort, en lui réservant
toutefois certaines garanties; mais, dans les classes élevées, il
en est autrement. Si les coutumes ne permettent |
|