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pas aux femmes musulmanes la société des hommes; cette règle de
bienséance ne les prive pourtant pas de l'influence que, dans tous
les pays, elles exercent sur l'homme par leurs charmes ou par leur
intelligence.
On sait quelle action importante ont
souvent eue en politique, les femmes, mères ou épouses des
sultans; il est impossible qu'en pays musulman cette action ne soit
pas également notable dans le domaine restreint de la famille; mais
on l'ignore, parce qu'il n'est pas convenable de questionner un
musulman sur ce sujet.
La mère est toujours très respectée de
ses fils; elle exerce sur eux un ascendant d'autant plus certain que
c'est elle qui leur choisit l'épouse, qu'ils ne peuvent ni voir, ni
connaître avant le mariage.
La fille a droit à sa part d'héritage;
cela seul ne suffirait-il pas pour lui assurer une certaine
indépendance relative et pour faire pressentir les égards dont
elle doit être l'objet?
Des femmes ont acquis, en Algérie même,
une grande réputation de sainteté; leur mémoire est vénérée à
l'égal de celle des marabouts les plus saints. Comment concilier
ces sentiments avec l'état d'abjection que l'on attribue trop
légèrement à toutes les femmes musulmanes? Il est vrai que
l'ignorance dans laquelle elles vivent des choses extérieures, et
leur défaut d'instruction doivent singulièrement restreindre la
portée de leur influence. Quelques filles, en trop petit nombre
encore, fréquentent les écoles françaises-arabes et font preuve
d'autant de facilité et de malice que leurs petites compagnes
européennes.
C'est par la vulgarisation de cette
instruction dans les deux sexes que l'on peut sans doute espérer
diminuer
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la distance qui sépare les deux races et atténuer l'hostilité
qui les divise.
Quelques efforts sont faits dans ce sens, mais depuis trop peu de
temps encore pour qu'on puisse préjuger des résultats que l'on
pourra obtenir. Il est permis de penser cependant que, pour
transformer les indigènes en sujets français, pour les préparer
à l'adoption de nos idées, de notre législation, de nos
tribunaux, le meilleur moyen doit être de répandre parmi eux la
connaissance du français, de multiplier par conséquent les
écoles, de manière à soustraire les enfants à l'influence de
tolba ignorants et fanatiques, qui ne leur apprennent qu'à
psalmodier le Coran en leur inculquant la haine du chrétien 1.
Outre les deux races principales de la société indigène, Kabyles
et Arabes, on distingue :
Les Maures 2 ou Hadar, habitants des
villes; ils ne forment pas une race spéciale, mais ils offrent en
quelque sorte la synthèse de toutes les races qui se sont
succédé sur le sol de l'Algérie : Phéniciens, Berbères,
Romains, Arabes, Turcs, Européens; renégats ou captifs. En
général, indolents, lymphatiques, chargés d'embonpoint, d'une
lenteur apathique, et, par conséquent, peu dangereux, ils
subissent les événements avec une indifférence passive. S'ils ne
sont pas marchands, ils aspirent aux emplois paisibles et peu
fatigants des magistratures indigènes, ou servent comme simples
salariés de l'Administration.
1 Voir De la vulgarisation de la langue française
chez les Arabes, par M. Hartmayer; chef du bureau arabe de
Médéa.
2 Le nom de Maure dérive du mot maghreb (l'occident);
comparez Maughrébin. |
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