Pages précédentes GÉOGRAPHIE MILITAIRE  LIVRE VI ALGÉRIE et TUNISIE Pages suivantes
 - 288 -  Retour page Table des matières  - 289 -
   
   que l'autorité des caïds échappe facilement au contrôle du commandement et qu'ils peuvent commettre des exactions qui sont souvent une des causes des insurrections, comme, par exemple, dans l'Aurès, en 1879.

L'organisation de la tribu a aussi ses avantages, parce qu'elle met en face du commandement une collectivité plus facile à manier, une responsabilité plus facile à saisir que s'il fallait poursuivre les individus; mais elle a ses inconvénients, parce qu'elle maintient la solidarité et la cohésion entre des hommes toujours prêts à se révolter.

Il est impossible de modifier cet état de choses dans les populations nomades; mais partout où la population se fixe au sol, lorsqu'elle entre en contact avec la colonisation européenne et qu'elle devient plus saisissable, il y a toujours intérêt à désagréger la tribu en rattachant l'Arabe, comme individu et non plus comme collectivité, à la commune européenne.

La tribu se décompose en douars, formés de la réunion d'un certain nombre de tentes, de 10 à 30 environ, sous le commandement d'un chef de douar.

C'est par l'intermédiaire de ces chefs que s'exerce l'autorité française, représentée, en territoire civil, par les administrateurs, et, en territoire militaire, par les officiers chefs des bureaux arabes, qui centralisent tout ce qui concerne l'administration; mais l'autorité des bureaux arabes est plus grande que celle des administrateurs; ils commandent en même temps qu'ils administrent, et ils exercent des pouvoirs disciplinaires plus étendus 1.

La discipline imposée aux tribus, et d'accord d'ailleurs

1 Voir l'arrêté du 14 novembre 1864 (Bulletin du Gouvernement général de l'Algérie).

    

 

   

avec leurs habitudes traditionnelles, est fort étroite. Les parcours et les campements leur sont assignés d'une manière précise, et il n'est permis ni à une tente de s'écarter du douar, ni à un individu de quitter sa tente, sans autorisation préalable.

Ce serait d'ailleurs une erreur de croire que les chefs arabes ont toujours, par eux-mêmes, une influence considérable sur leurs administrés. Ils n'ont, au contraire, souvent, que celle que nous leur attribuons et qu'il est, par conséquent, prudent de ne pas exagérer. Quelques familles sont, il est vrai, en possession d'une certaine autorité héréditaire et l'on est obligé de compter avec elles; aussi était-il naturel que l'on s'efforçât de diminuer leur prestige, afin de les mettre hors d'état d'en tirer parti contre nous dans un moment de crise.

Ce résultat a été obtenu, peu à peu, dans la majeure partie du Tell; la tranquillité s'affermissant, les chefs militaires ont vu leur rôle s'amoindrir et les brillants cavaliers de l'époque de la conquête ont des enfants qui ne peuvent s'occuper que de faire valoir leurs domaines. Incapables de lutter contre la colonisation, ils se résignent plus ou moins et quelques-uns bornent leur ambition à briguer les situations qui leur donnent accès dans les conseils généraux.

Dans le Tell, les titres d'aga , de bach-aga, de caïd des caïds, ne sont donc plus que des distinctions honorifiques rappelant l'autorité dont étaient investis les anciens chefs des grandes tribus.

La diversité des sentiments et des habitudes de la population indigène n'est pas moins frappante que la diversité de la configuration de son sol. Il n'y a pas plus de ressemblance entre les habitants de la Kabylie,

 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes