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   leurs armes venaient de soumettre, ne cherchant pas à se substituer à eux, ais se contentant de cantonner quelques légions dans les positions stratégiques qui dominaient le pays.

Notre situation en Algérie a bien des analogies avec la leur, mais les moyens dont nous disposons sont plus efficaces que ceux qu'ils pouvaient employer, puisque nous aurons toujours une supériorité d'armement et de procédés industriels qui leur faisaient défaut.
« Les généraux, qui ont gouverné l'Algérie, sont unanimes à demander, pour la dominer en temps de guerre, 70;000 hommes 1. On ne sera pas étonné de ce chiffre si l'on se rend compte que l'Algérie a une superficie de 25,000 lieues carrées, soit environ 250 lieues de côtes sur 100 lieues de profondeur. En supposant, ce qui est la vérité, 50 postes occupés, on voit que chacun d'eux est chargé de garder environ 500 lieues carrées. Outre ces garnisons, il faut avoir des troupes que l'on puisse mobiliser, sinon elles seraient exposées à mourir de faim. Tous les militaires qui réfléchissent et calculent, admettent forcément ce chiffre de 70,000 hommes, - mais, en même temps, trouvent avec raison que la garde de cette colonie est une lourde charge pour l'armée française. »

Nous devons toujours, et en tout temps, craindre une révolte des indigènes.

« Lorsque nous étudions les causes de ces révoltes, nous les voyons naître souvent sans motifs bien définis; c'est la religion; ce sont les excitations du Maroc, les affiliations avec La Mecque; c'est le mécontentement plus ou moins justifié des grands chefs; c'est le manque d'autorité de la part des représentants de la France, une législation qui ne cadre pas avec les mœurs et les habitudes de ces populations sauvages.

1 Les pages qui suivent sont extraites d'un remarquable travail de M. le colonel Philebert sur l'occupation militaire de l'Algérie (Journal des Sciences militaires, février 1874).

    

 

   

« Il y a assurément un peu de toutes ces causes dans les révoltes; mais la cause réelle, c'est l'habitude. De tout temps, ces populations ont été en désordre; de tout temps, chacun y a agi pour son compte, ne reconnaissant que la loi du plus fort; de tout temps, chacun a pillé, maraudé, volé son prochain, s'il est Arabe; s'il est Kabyle, il a essayé de se fendre le crâne à coups de bâton avec son voisin. Ceux qui croient que les indigènes, longtemps à l'avance, mûrissent une révolte de ce genre et se mettent tous d'accord pour nous combattre, se trompent souvent. Beaucoup, quand le vent de la révolte souffle, s'en vont insouciants du lendemain, sans aucun espoir et sans aucun désir de lutte, mais avec la volonté bien arrêtée de taper sur son prochain, qui souvent est son plus proche parent, et de lui prendre tout ce qu'il pourra.

« Ils en faisaient tout autant envers el-Hadj Abd el-Kader, malgré la sévérité, poussée aux dernières limites, avec laquelle il essaya de les corriger, sévérité dont nous n'avons pas idée, et qui dépasse tout ce que notre imagination peut rêver.

« C'est un mal incurable que nous n'extirperons jamais complètement; il faut le souffrir, puisque nous ne pouvons l'empêcher; mais il faut prendre nos précautions pour en souffrir le moins possible, pour que ces révoltes n'amènent pas des perturbations considérables, et pour pouvoir y remettre l'ordre avec peu de monde.

« Pour combattre ces révoltes, il faut distinguer entre elles, car, suivant les lieux et les populations, elles présentent de bien grandes différences.

« Il nous faut considérer la manière d'agir de chacune de ces populations lorsqu'elles se révoltent, pour rechercher les moyens propres à avoir raison de chacune d'elles. Mais d'abord il faut éliminer de la question une des grandes difficultés nous voulons parler de ces villages que notre colonisation a malheureusement dispersés sur tout le territoire de l'Algérie. Je dis malheureusement, au point de vue, militaire, bien entendu,

 
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