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Sidi es-Senousi était originaire de
Mazouna, dans le Dahra. Après un voyage à La Mecque, il fonda une
association religieuse qui se développa rapidement. Après avoir
prêché en Égypte, au Caire particulièrement, où il inquiéta
les autorités égyptiennes, il passa en Tripolitaine et fonda, en
1843, une zaouïa à el-Beida, dans le djebel Akhdar; puis, en 1855,
il transporta sa résidence à Djerboub, à quelque distance de
l'oasis de Siouâ, ancienne oasis de Jupiter Ammon, hors de portée
de l'action des autorités d'Égypte et de Tripoli, auxquelles son
influence causait des préoccupations justifiées.
Il prophétisait que vers la fin du XIIIème
siècle de l'hégire, c'est-à-dire en 1883, apparaîtrait l'iman
el-Madhi, qui mettrait fin à la domination de l'empire turc et
reconstituerait un imâmat arabe. Son tombeau se trouve dans la
zaouïa magnifique de Djerboub. Le chef de l'ordre est son fils Si el-Madhi
ben Senousi, né vers 1843, considéré par ses adeptes comme l'iman
des prophéties. Il réside à Djerboub ; 750 personnes vivent dans
la zaouïa ; parmi elles se trouvent plusieurs Algériens de grandes
familles, particulièrement de la province d'Oran. Les autorités
turques de la Tripolitaine n'osent les gêner, parce qu'ils sont
soutenus à Constantinople, par leurs khouan dont certains sont
membres du Divan.
Sidi es-Senousi vivait fort retiré,
absorbé dans les pratiques pieuses; mais son fils, le chef actuel,
bien que ne se laissant aborder que par un petit nombre de fidèles
sur lesquels il peut compter, est d'un tempérament plus guerrier.
On estimait (en 1877) à près de 25,000 fantassins et de 1500
cavaliers, les hommes armés que les Senousiâ pouvaient mettre sur
pied. On croit que quelques canons sont cachés dans la zaouïa.
Le chef des Senousiâ est très
exactement tenu au courant des événements politiques par ses
khouan, qui entretiennent avec lui des correspondances régulières.
Son ordre fait cependant peu de progrès en Tunisie, où il doit
lutter d'influence avec les Tedjâna d'Aïn Madhi et de Temassin,
qui se montrent soucieux de ne pas laisser passer en d'autres mains
l'influence dont ils jouissent et les ressources que leur procurent
les contributions de leurs adeptes;
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mais, sur les routes du désert et du Soudan, c'est-à-dire à
l'ouest et au sud de Djerboub, les Senousiâ commandent en maîtres.
Le Ouadaï leur est entièrement affilié; leurs khouan sont
nombreux dans le pays des Tibbou, à Rhat et à Ghadamès. Ils font
des prosélytes au sud de l'Algérie et semblent tourner nos
possessions africaines par le sud en atteignant le Maroc par les
routes du Touat. Ils sont tout-puissants dans le pays de Barca et
à Bengasi.
Le développement de cet ordre fanatique, extrêmement hostile, est
fort à craindre. C'est de Djerboub que peut partir le signal d'une
insurrection générale venant du sud de l'Algérie. On a des
raisons de croire que c'est aux Senousiâ qu'il faut imputer la
responsabilité du massacre de la mission Flatters; les Touareg
paraissent avoir reçu, à cette époque, leur mot de Rhat.
L'oasis de Djerboub, où se trouve la zaouïa centrale des
Senousiâ, est à trois jours de marche à l'ouest de Siouâ, à
trente-sept jours de Bengasi. Le port par lequel elle communique
avec la Méditerranée est Tobruk.
Une zaouïa fort importante est toujours dans le djebel Akhdar
(pays de Barca).
L'oasis de Siouâ a eu déjà, aux époques anciennes de
l'histoire, un grand rayonnement religieux, puisque Alexandre y
vint en pèlerinage et y fut en quelques sorte consacré par les
prêtres, qui lui donnèrent le titre de fils de Jupiter. A peu de
distance au sud commence le vaste désert de Libye, de près de 400
lieues de large, sans eau, sans oasis pour jalonner les routes des
caravanes, obstacle presque infranchissable qui oblige les
voyageurs à remonter au nord.
Il n'y a donc que deux routes qui mettent l'Égypte en relation
avec l'Afrique septentrionale, celle qui longe la côte et celle
qui passe par les oasis d'Audjila et de Siouâ; de sorte que tous
les musulmans du nord et de l'ouest, Marocains, Sénégalais,
Algériens, Tunisiens, Touareg, Noirs du Soudan, - tous les pieux
personnages de l'islam, doivent venir se rencontrer entre Bengasi
et l'oasis d'Audjila. Cette région était donc |
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