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Tandis que le roi Louis-Philippe et les princes de sa famille soutenaient de leurs sympathies et de leur influence la consolidation de la conquête, se trouvant ainsi d'accord avec le sentiment général du pays, le Parlement, le Conseil des ministres même, se montraient étrangement divisés.

Les uns supputaient les dépenses considérables qu'entraînerait l'occupation de la Régence, les autres montraient l'impossibilité de s'y maintenir en cas d'une guerre européenne, regrettaient l'immobilisation d'une partie de l'armée, déploraient les conséquences d'une politique coloniale qui paralyserait l'action de la France en Europe.

Les plus modérés demandaient que l'on se bornât à l'occupation d'Alger et de quelques points du littoral avec une banlieue restreinte ; les autres réclamaient bruyamment l'abandon total de la nouvelle conquête.

A ces luttes d'opinions venaient s'ajouter les embarras diplomatiques. La Sublime-Porte refusait de reconnaître les droits de la France dérivant de la conquête. Les hommes d'état anglais ne voyaient pas sans jalousie l'extension prise par la puissance française dans la Méditerranée ; ils prétendaient du moins s'opposer à ce qu'elle dépassât les limites de la Régence d'Alger, et à ce qu'elle débordât sur le Maroc ou sur la Tunisie.

A toutes ces complications venaient s'ajouter de nombreuses difficultés d'ordre militaire ; la guerre d'Afrique nécessitait une organisation spéciale, des méthodes nouvelles, auxquelles ni les chefs, ni les troupes n'étaient préparés.

Par suite de l'insuffisance des précautions hygiéniques et de fatigues excessives, l'état sanitaire était mauvais ; l'ennemi nombreux, actif, fanatique, la plupart du temps insaisissable.

Tantôt, par économie, on diminuait les effectifs; tantôt

    

 

   

il fallait se hâter d'envoyer des renforts pour réparer un échec et maintenir le prestige du drapeau, et, comme on hésitait sur le but à atteindre et sur la forme même à donner à l'occupation française, les opérations étaient décousues et restaient sans portée sérieuse.

Enfin, à cette époque troublée par les agitations politiques auxquelles les chefs de l'armée étaient souvent mêlés, il surgissait des conflits de personnes regrettables et trop fréquents.

Telle fut l'histoire des dix premières années, de 1830 à 1840 ¹.
En 1840 seulement, fut entreprise d'après un plan méthodique, la conquête définitive de l'Algérie; la France y employa une armée dont l'effectif atteignit près de 100,000 hommes. Cette deuxième période se termina au commencement de 1848, par la reddition d'Abd el-Kader, au moment même où une nouvelle tourmente révolutionnaire renversait le trône de Louis-Philippe.

Mais la conquête ne fut définitivement achevée qu'en 1857, par la soumission de la Kabylie.

Depuis 1857, la sécurité de l'Algérie n'a plus été troublée que par des insurrections rapidement comprimées, et dont le retour ne saurait désormais compromettre les progrès de la colonisation. La dernière de ces grandes insurrections eut lieu en 1881. Il reste toutefois encore le souci de voir quelque agitation algérienne coïncider avec une nouvelle guerre européenne.

¹ Voir Les commencements d'une conquête. - L'Algérie de 1830 à 1840, par Camille Rousset.

 


 

 
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