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étaient engourdies dans la torpeur du moyen âge, qu'avaient-ils de commun avec les tribus errantes de nos jours? Celles-ci nous présentent l'image exacte des sociétés pastorales des temps bibliques ; elles sont, depuis l'origine de l'histoire, immobilisées dans une existence appropriée aux déserts qu'elles parcourent; elles ne pourraient la modifier, et n'ont jamais su planter un arbre, ni tailler une pierre.

Peut-on voir avec plus de raison les descendants des Maures d'Espagne dans les populations sédentaires du Tell? Mais leurs villes ne sont que des agglomérations de ruines qu'elles ne songent même pas à réparer. Entre leurs mains qu'est devenu Kairouan, la grande métropole religieuse et littéraire ? Qu'est devenu Tlemcen, la superbe reine du Maghreb, qui, au XVème siècle encore, passait pour une des villes les plus policées et les plus civilisées du monde?

Cette race superbe s'est donc éteinte après avoir traversé l'Occident comme un météore brillant, ou bien le souffle stérilisant de l'islam en a-t-il desséché la sève? C'étaient des Orientaux que l'idée religieuse avait momentanément galvanisés et qui, portés, par un prodigieux élan, jusqu'aux limites des terres connues, venaient étonner les barbares autant par l'élégance de leurs mœurs et la délicatesse de leur esprit, que par l'enthousiasme de leur foi religieuse; mais ce n'étaient point des Arabes, ou, du moins, ils ne ressemblaient en rien aux tribus auxquelles, de nos jours, on applique ce nom.

Le Sémite fataliste qui s'appelle lui-même l'Arabe, est incapable de créer et de prévoir. Il n'a jamais été qu'un destructeur. Son royaume n'est pas de ce monde. En fait, il ne conçoit et ne désire rien en dehors de la vie traditionnelle de latente et du soin de ses troupeaux.

    

 

  


Lorsque ses tribus ont été entraînées à la conquête de l'Afrique, elles se sont abattues comme des sauterelles dévastatrices; elles en ont ravagé les champs, en ont livré les forêts en pâture à leurs troupeaux, se contentant, lorsqu'une région était épuisée, de lever leurs campements et de porter la dévastation plus loin; de sorte que deux ou trois millions d'hommes eurent bientôt peine à vivre sur une terre qui avait porté une population décuple.

Depuis cinquante ans, la France a planté à son tour son drapeau sur les côtes nord de l'Afrique; elle a entrepris d'y faire pénétrer la civilisation moderne.
Après douze siècles, c'est l’œuvre romaine qu'elle s'efforce de reprendre et par des procédés assez semblables.
A l'insouciance de l'Arabe elle oppose l'esprit de persévérance et de prévoyance; à son fanatisme religieux infécond, une tolérance fort indifférente; à ses rêveries sensualistes, la préoccupation fiévreuse des intérêts matériels.
Elle trouve des terrains toujours fertiles, mais certainement plus desséchés qu'à l'époque romaine et plus difficiles à mettre en culture ; mais elle dispose d'un matériel industriel qu'ignoraient ses devanciers, et, lorsque ses agriculteurs auront définitivement pris possession du sol, ils y apporteront, sans doute, la patience distinctive de leur race, l'amour de la terre, l'âpreté laborieuse et la même énergie que le duras arator de l'antiquité.

A travers des vicissitudes nombreuses, en dépit de découragements momentanés, la France poursuit son oeuvre; quels que puissent en être, dans l'avenir, les difficultés et les périls, elle ne saurait plus l'abandonner.

 
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