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Lorsque commença cette grande colonisation africaine, et, il y a quelques années encore, la prépondérance de la France sur les autres Puissances du bassin de la Méditerranée était si bien établie qu'elle ne pensait pas devoir trouver chez elles des rivales et encore moins des ennemies. Il avait même paru généreux à quelques esprits de partager entre les trois peuples latins du bassin occidental de cette mer, la tâche future de la colonisation de l'Afrique du Nord, On pensait ainsi que le Maroc serait réservé aux Espagnols, l'Algérie aux Français, et la Tunisie aux Italiens.

Quelques idées furent même échangées à ce sujet entre les hommes d'État de ces différents pays. Ceux de l'Italie, préoccupés avant tout de reconstituer l'unité de leur patrie, refusèrent de s'engager dans une aventure dangereuse peut-être, en tout cas dispendieuse et hors de proportion avec leurs ressources. Ils espéraient alors pouvoir réserver l'avenir, et l'on comprend que le protectorat imposé par la France à la Tunisie ait pu, en détruisant certaines espérances, froisser certains sentiments.

Quant à l'Espagne, qui, aux époques de sa grande puissance, avait occupé et fortifié la plupart des points importants du littoral algérien, elle eût été et serait certainement encore disposée à s'étendre au delà du détroit de Gibraltar; mais le Maroc est un pays qui ne se laisse pas facilement entamer et l'Espagne doit se contenter de l'occupation de quelques points de la côte, qui sont pour elle des presidios, des lieux de déportation et nullement des colonies ou des comptoirs de commerce : Ceuta, les îles de Velez de la Gomera, les îles Alhucemas, la place de Melilla, et, près de la frontière algérienne, les îles Chafarinas,

    

 

   


qu'elle a occupées en 1847 seulement. Mais les travailleurs espagnols débordent en grand nombre sur le territoire de l'Algérie où ils fournissent une grande partie de la main-d’œuvre, Dans la province d'Oran, notamment, ils forment, dès maintenant, la majorité de la population européenne.

La manière dont le gouvernement français appréciait alors le partage de la côte du nord de l'Afrique et des pays qui en dépendent, s'est, avec raison, modifiée de notre temps.

Si l'on prend une carte générale de la Méditerranée, on voit que cette mer se divise en deux bassins qui ne communiquent entre eux que par un passage relativement étroit entre la Sicile et la Tunisie. Du cap Bon, on peut voir, par un temps clair, les côtes de Sicile. Ce passage est encore resserré par l'île italienne de Pantelleria qui est, fortifiée et qui ne laisse entre elle et la côte de Tunisie qu'un détroit de dix à douze lieues.

Il est donc extrêmement facile de passer de la Sicile en Afrique. Les navires à vapeur franchissent la distance de Marsala de Tunis en quelques heures et l'île de Pantelleria est une escale à moitié chemin.

Si une puissance maritime occupait les côtes de Tunisie, Pantelleria, et la Sicile, elle commanderait les communications entre les deux bassins de la Méditerranée. L'Angleterre, en s'établissant à Malte, a, depuis longtemps, pris ses précautions pour conserver la libre navigation de ce passage. Si donc la France n'était pas maîtresse des côtes de la Tunisie, les flottes françaises pourraient, dans certaines circonstances à prévoir, être en quelque sorte enfermées dans la Méditerranée occidentale comme les flottes russes

 
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