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de leurs produits contre ceux du Tell, contre des grains surtout;
lorsque l'hiver s'approche, elles redescendent dans le Sahara.
Ces migrations périodiques amènent des
relations constantes entre elles et les populations sédentaires que
nous avons les premières soumises à notre autorité, et nous
obligent à exercer sur les unes et sur les autres une active
surveillance.
Il est impossible de supprimer ces
relations. Le peuple qui domine clans le Tell ne peut, par
conséquent, se désintéresser de ce qui se passe dans le Sahara,
parce que de là viendront souvent, avec les caravanes de nomades,
les excitations religieuses qui troublent les sédentaires du nord
de l'Algérie.
Il est donc bien difficile de déterminer
une frontière aux territoires du Tell. Les prédications de
quelques marabouts fanatiques, les querelles de tribus à tribus,
des violences exercées contre celles que nous protégeons
directement, des tentatives d'insurrection, nous mettent souvent
dans la nécessité de porter nos troupes à grande distance et
d'avoir dans l'extrême Sud non seulement des postes d'observation,
mais encore des magasins où puissent se ravitailler les colonnes
expéditionnaires.
Il convient peut-être d'ajouter encore
à ces raisons politiques qui nous ont entraînés dans le Sud, un
certain attrait vers l'inconnu, et le désir d'en soulever le voile.
On a quelquefois distingué les solitudes
du sud de l'Algérie en grand et petit Sahara. La limite naturelle
entre ces deux régions est la grande chaîne saharienne. On
désigne plus habituellement la région du nord sous le nom de
Hauts-plateaux.
A quelques kilomètres au sud des postes
de Sebdou,
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de Daya, de Saïda, de Frenda, au-dessous même de Tiaret et de
Boghar, se dressent de puissantes falaises du sommet
desquelles on domine de vastes plaines à l'horizon indéterminé
comme celui de la mer.
Ce n'est pas encore le Sahara; mais on a ou raison d'appeler ces
solitudes le petit Sahara, parce qu'elles en ont tous les
caractères, moins l'étendue indéfinie. Elles
sont séparées du Sahara proprement dit par une épaisse région
montagneuse, qui n'a pas moins d'une vingtaine de lieues de largeur
dans certaines parties et dont les crêtes dépassent parfois 2,000
mètres. Les altitudes des plateaux
varient entre 900 et 1000 mètres, et c'est à peine si la monotonie
de leur aspect est variée par de petites crêtes, ou par quelques
îlots rocheux qui émergent de loin en loin et qui ont résisté au
gigantesque travail de dénivellation par les eaux, dont ce pays
conserve les traces irrécusables. La
plaine n'est pas horizontale cependant; elle est ondulée comme le
fond d'une mer que le mouvement des vagues aurait affouillé; elle
est déchirée par quelques ravines creusées autrefois par les
eaux; mais l'uniformité et la nudité de sa surface sont telles,
que l'œil, manquant de point de repère, ne peut apprécier ni les
creux ni les hauteurs. Une troupe en
marche ou un campement doivent se faire éclairer à grandes
distances pour se garder contre des embuscades, aussi dangereuses et
presque aussi faciles à tendre que dans le pays le plus couvert. L'étranger
qu'aucun indice n'alarme, aussi loin elle porte sa vue, ne se doute
pas souvent que, dans un pli de terrain, à moins d'une portée de
fusil, se dérobe un douar de nomades, un djich de billards, un
ennemi quelconque. |
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