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donc de la sûreté et du calme, et devait borner son service intérieur dans la place à de simples postes de police et de discipline.

L'exécution du projet fut soumise à M. le maréchal Clauzel, gouverneur-général, qui s'était rendu en personne à Bougie à bord du bateau à vapeur le Styx, le 28 octobre. Une attaque assez sérieuse dont il fut témoin, ce jour-là même, de la part d'un millier d'Arabes groupés autour de Démous et dans les rochers inférieurs, prouva au maréchal toute l'opportunité de l'occupation du moulin : il donna donc qualité entière au commandant-supérieur pour la pousser rapidement à terme.

Cette opération n'était pas sans de grandes difficultés. Toute la force d'agression des tribus, surtout des Mezaya, était là : la détruire était les frapper au cœur. Ainsi la lutte, pour nous disputer la possession de Démous, pouvait être longue et meurtrière, le travail lent, pénible, contrarié par le temps, interrompu par les attaques. D'un autre côté, le temps pressait ; il était beau encore ; l'hiver approchait. De grands travaux étaient à exécuter ; ils exigeaient du calme et tous les bras disponibles : il y avait donc urgence et opportunité dans celui qui nous occupe. Mais l'effectif de la garnison combattante, bien loin du chiffre voulu, comptait à peine 6 ou 700 hommes, et encore les rangs ne montraient que des malades et convalescents. Les compagnies étaient presque sans officiers ; le petit nombre des présents sortait des hôpitaux et était à peine valide. Il fallait de la part de ceux-ci en particulier, de tous en général, patience, dévoue ment, courage : ces sentiments n'ont pas un instant failli.

Le 7 novembre, avant le jour, la compagnie de zouaves et cent hommes du 130 de ligne, s'avancent en silence et occupent la position de Démous. L'ennemi ne paraissant pas encore, les premiers poussent jusqu'au village de Darnassar. Bientôt cette avant-garde se replie en arrière sur celui de Zeytoun, s'appuyant 

    

 

   
sur le reste de la colonne. Celle-ci, composée des hommes disponibles du 2e léger d'Afrique et du 1er bataillon du 13e de ligne, plus une demi-batterie de montagne, arrivait alors sur le terrain. Les travailleurs du génie, les corvées, les transports chargés de matériaux qu'on ne pouvait avoir sur place, gagnaient aussi le moulin et se mettaient immédiatement à l'ouvrage.

Cependant les Mezaya surpris, mais prompts à se réunir à certains cris de convention, étaient en face de nous. Les tirailleurs zouaves, ceux du 2e bataillon léger d'Afrique et du 13e de ligne, soutenus par des fusils de rempart et deux obusiers qui ont eu même l'occasion de tirer à mitraille, gardaient avec vigueur la position. Ils forcèrent à la fin l'ennemi à abandonner la sienne ainsi que les villages de Zeytoun et de Darnassar. En même temps, une charge dirigée par le capitaine Gainier de Rougemont à la tête de cinquante-huit chasseurs du 3e d'Afrique, reste de l'escadron, culbutait dans la plaine les cavaliers ennemis, et le sous-lieutenant Capdepont tuait de sa main, dans la mêlée, un scheick revêtu de l'uniforme d'un zouave déserteur.

Les travaux, au moulin proprement dit, étaient conduits dans l'intervalle avec la plus grande activité par le capitaine chef du génie Charron. Les brèches de la tour se réparaient dans la journée. L'ouvrage, muni d'abord d'une porte solide, était coiffé du premier étage d'un blokaus, et recevait le soir une garnison d'un officier et 30 hommes du 2e bataillon d'Afrique. Ces divers succès étaient d'un heureux augure pour le reste des opérations. L'ennemi comptait au moins 10 tués et 30 blessés. Nos pertes se bornaient à deux hommes tués ou blessés mortellement, et six légèrement atteints.

Le 8, l'ennemi déjà épouvanté par la réussite de nos projets et les démonstrations de la veille, n'avait même pas osé, contre les pré visions d'un grand nombre, attaquer la tour dans la nuit, ni même s'en approcher. La belle position de Darnassar était  abandonnée 

 
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