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L'arrivée de celle colonne à l'oasis sert de signal. Les zouaves abordent les Mezaya avec la plus grande intrépidité. Ceux-ci reculent, tourbillonnent, et poussant des hurlements affreux, remontent les contreforts. Les zouaves s'excitent, s'avancent : l'avantage est décidé ; rien ne leur résiste. Cependant des rassemblements nombreux formés sur le col gagnent bientôt les étages inférieurs, occupent la colonne de l'oasis et la détournent de l'objet de sa mission. Le commandant de cette colonne prend aussitôt ses mesures pour empêcher la jonction de ce nouvel ennemi avec les cavaliers du marabout. Il organise sa ligne de tirailleurs et fait mettre la pièce en batterie. Ces premiers instants passés, la marche de flanc vers le marabout pour occuper les cavaliers arabes, ou une prompte irruption sur leurs derrières, ne parurent au commandant Sanson, à cause de la grande distance, ni prudentes ni faciles. Les cavaliers, au nombre de 100 réunis au marabout, aperçoivent ces derniers poussant alors vivement les Mezaya. Voyant d'ailleurs la colonne de l'oasis engagée pour le moment devant le col, ils devinent qu'il n'y a pas pour eux un instant à perdre. Ils s'élancent donc à bride abattue sur les zouaves. A cette brusque diversion annoncée par des cris forcenés, les Mezaya en fuite se retournent. Bientôt ils sont soutenus par une nuée des leurs, surgissant de toute part pour voler à la mêlée, Celle-ci était affreuse. Les zouaves se défendent en désespérés et font des prodiges ; mais ils ne sont que 65, savoir : 21 français, 26 indigènes et 18 auxiliaires, contre au moins 1,500 assaillants, dont 500 les cernent et les pressent. Forcés de se replier, ils le font toujours en combattant, et passant avec audace à travers les cavaliers, viennent se reformer en arrière sous la protection de l'obusier et d'une réserve. Avec les précautions nécessaires pour éviter, dans cette horrible mêlée, d'atteindre les nôtres, la bouche à feu tira bien, et les obus augmentèrent les pertes éprouvées par les Kabaïles dans cette sanglante rencontre.

Ce mémorable combat était fini à trois heures ; les braves zouaves reçurent l'ordre de rentrer à Bougie, ainsi que la 

    

 

   
colonne de l'oasis. Les premiers ayant reçu des cartouches demandaient avec instance de remarcher à l'ennemi. Mais les deux officiers et le sergent-major étaient grièvement blessés (celui-ci est mort depuis). Neuf hommes restaient morts sur le terrain. Blessés pour la plupart mortellement, les féroces Kabaïles les avaient achevés. Quant à ceux-ci, ils n'eurent pas moins de 30 hommes tués et autant de blessés. Se tenant, pour la journée, satisfaits de la leçon, ils passèrent le reste du temps à enlever les morts, suivant leur usage. Cela fait, les cavaliers gagnèrent la route du col, et les Mezaya disparurent derrière les hauteurs.

La ligne de la veille en face de Tarmina fut occupée le 11 sans obstacle, et rien devant nous n'indiquait la nouvelle et singulière lutte qui allait s'engager. Le commandant-supérieur s'était porté avec le 2e bataillon léger d'Afrique, 205 hommes en tout, et un obusier de montagne, au lieu où avaient si vaillamment combattu les zouaves. Son dessein était de faire donner la sépulture aux morts au nombre de neuf. Il s'occupait de ce pieux devoir, et la fosse était à peine creusée par les sapeurs du génie, que des groupes considérables de Kabaïles, hommes à pied et cavaliers, se montrèrent de tous côtés. Le nombre dépassait les réunions les plus complètes. Nul doute que la guerre sainte n'eût été plus fortement proclamée que jamais, et que ce grand rassemblement que l'on a su plus tard être de 3,950 fantassins et 320 cavaliers, n'en fût le résultat. Toute cette masse venait sans doute pour couper la tête aux neuf zouaves tués la veille, et faire une terrible distribution à chaque tribu de leurs membres dépecés. Sans se douter peut-être de la présence de nos baïonnettes sur ce terrain ensanglanté, les Kabaïles s'y dirigèrent rapidement et allèrent donner contre le 2e bataillon léger : cette imprudence ou celle audace devait leur coûter cher.

L'inhumation terminée, les sapeurs du génie et le bataillon reçoivent l'ordre du commandant-supérieur de se replier de ce terrain, raviné et coupé de broussailles, pour gagner un des

 
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