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nous aurons une heure de paix. Je vous dis encore, mon cher ami, que j'ai compris tout le contenu de la lettre et l'endroit désigné où doit avoir lieu la réunion ; c'est très-bien, cela sera pour le bien et pour la paix, pour vous et tous les musulmans : il n'y en aura aucun susceptible de s'y opposer. Ceux-ci seront tous comme vous, contents et satisfaits. Dans la saison présente, tout le monde vous fera du bien, et nous surtout, nous sommes pour vous aider à la paix. Il ne faut pas être fâché de notre empressement ; tout ce que Medani, notre médiateur, vous dira, il faudra le faire, et nous aussi, et ne pas y manquer : ce sera dans votre intérêt et pour notre tranquillité commune, si Dieu le veut.

" Je vous fais savoir par le porteur de la lettre, Béchir-Ben-Aman, que j'étais déjà parti de ma tribu avec Huja-Mobobe, lorsqu'il y est arrivé. Il m'a trouvé à Beni-Abbés ; c'est de cet endroit que j'ai répondu. C'est pour cela que je n'ai pas pu répondre plus tôt pour me rencontrer avec vous ; mais je viendrai mercredi ou jeudi à l'endroit que vous désignerez ; et vous, Sidi Medani, continuez votre travail et portez avec vous les objets à votre connaissance. Vous apporterez aussi les cadeaux pour mes cavaliers ; ce sont les mêmes qui ont accompagné le porteur de la lettre. Celui qui a apporté la lettre, il faudra lui donner quinze francs pour sa longue course et les fatigues qu'il a éprouvées pour me trouver à Beni-Abbés.

" Salut de la part de Mohammed-Amzian et Hoja-Mohobe.

" P. S. Il faudra donner aussi quelque chose à l'officier de cavalerie qui accompagne le porteur de la lettre, et l'habiller. Il faut que Béchin-Ben-Amar retourne une autre fois avec la réponse.
" Salut. Je vous prie de m'envoyer du tabac à priser, à la rose, pour Huja-Mohobe, et d'autre tabac pour le fils de Rabah, et de sucre. Salut. "

    

 

   
Ainsi, non seulement Amzian viendra au rendez-vous, mais il le provoque ; il confie la dépêche à l'émissaire Béchir et insiste fortement pour une prompte réponse.

Le commandant Salomon était très-souffrant le 2, quand il reçut cette lettre ; il ne peut y répondre ni ce jour, ni les jours suivants. Le 4, il n'est guère en meilleure disposition.
(Suit le récit que nous avons donné dans le corps de l'ouvrage.)

L'émissaire Béchir était accusé hautement d'avoir conduit le commandant au fatal rendez-vous. On voulait le tuer à l'instant même ; le capitaine de place Peyssard, et immédiatement le commandant Lapène, s'interposent. Un nouvel assassinat est prévenu ; fléchir, arraché aux soldats et déposé au corps-de-garde de la porte Fouka, passait une demi-heure après dans une prison plus sûre. L'agitation et la fureur de la garnison allaient croissant ; la population arabe indigène et celle du dehors , que le génie employait pour ses travaux, étaient fort exposées ; il n'était question de rien moins que de l'exterminer. On dut avant tout s'occuper de la préserver de la fureur des troupes. Les Bougiotes, proprement dits, furent consignés et gardés dans leurs demeures : les étrangers, au nombre de trente-neuf, plus suspects, étaient réunis et placés en sûreté au fort Abd-el-Kader.

Cette mesure calma la fureur de la garnison et lui enleva en même temps un aliment pour l'exercer. Les chefs de service et de corps entourèrent immédiatement le nouveau commandant-supérieur, lui accordèrent une confiance, un concours éclairé, et l'aidèrent de leurs sages conseils. La garde nationale, sur l'invitation de M. Garreau, commissaire du roi, ne fut pas en reste de zèle et d'activité. L'autorité supérieure militaire dut être sur pied toute la nuit ; l'agitation se calmait peu à peu ; des patrouilles de la garnison et de la garde civique se croisaient dans tous les sens, dissipaient les attroupements sans violence : le calme devint bientôt complet et la nuit fut tranquille.

 
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