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Sultan, il a été précédé par sa gloire et sa clémence,
Et tous ceux qui le voient ne peuvent s'empêcher de l'aimer.

Il est beau de figure, bien élevé, montant bien à cheval ;
Il est serré, bien assis sur sa selle en face de l'ennemi.
L'ennemi qui le voit est écrasé comme un roseau pourri,
Et ceux mêmes qui ne l'ont pas vu, lui donnent le respect.
Son cheval, aux tresses pleines d'ornements,
Au poitrail incrusté d'or, fait peur.
Les chevaux de ses cavaliers sont vifs comme la gazelle qui fuit
Ses réguliers ressemblent à des colliers bien rangés ;
S'ils lancent leurs éclairs, foudres descendantes,
On dirait les lames d'une mer immense.

Ils chargent l'ennemi comme roule un fleuve ;
Qui pourrait s'opposer à la course d'un torrent ?
Tout le monde veut servir notre maître
Nasser-el-Din (1), qui porte le nom de son père.
Kabyles et Djouads (2) se sont soumis à lui.
Et tous les Arabes s'inclinent à ses ordres ;
C'est la lumière qui brille entre les esclaves de Dieu.
A lui tout honneur, à lui la louange ;
Avec son armée il a pris les pays en courant.
II a tambours, drapeaux, canons. Il est clément !
II a envoyé ses lettres à tous les Outhans,
Et tout l'est s'est empressé de lui obéir.
Tribus, villages, peuples des villes,
Tous en masse se sont rendus vers lui.
Ils ont mis pied à terre, ils l'ont entouré,
Tous avaient des beaux chevaux et des armes riches.
Ils lui ont offert leurs gadas et lui ont dit : appui de tout appui
Nos pays, nos armes, nos biens sont à toi ;
Tes ordres, nous les suivrons ; tes désirs seront les nôtres ;

 

(1) Nasser-el-Din, qui fait triompher la religion.
(2) Djouads, les nobles.

    

 

   
Car nous le sommes dévoués.
Il leur a répondu : Écoutez, ô Djouads,
Et vous, Arabes et Kabyles, comprenez mes paroles :
C'est moi qui suis El-Hadj-Abd-el-Kader,
Fils de Mahy-ed-Din ; il importe que vous sachiez mon nom.
Je ne vise point à la grandeur, au trône ;
Je ne veux aucun des prestiges que vous pensez.
Mon désir est que vous soyez sous mes ordres comme frères,
Que vous renonciez à tout esprit d'insubordination et d'inimitié.
Voyez votre pays, il est sous le joug de l'impie ;
L'impie y est entré, et il s'est logé dans la terre du Djehad (1)
C'est une honte pour nous ;
Et tous les peuples et tous les rois l'ont su !
Aidons-nous, et Dieu nous donnera la victoire ;
La guerre sainte nous vengera ;
Nous entrerons dans Alger, nous chasserons l'infidèle ;
Nous y rétablirons la religion du prophète, nous l'élèverons.
C'est à nous que l'éternel a promis le triomphe,
A nous Arabes, qui sommes des enfants de la poudre.
Nos noms doivent acquérir de la gloire.
Les gens qui connaissent Dieu s'en réjouiront les premiers.
Qui ne suit pas mes ordres aura pour demeure la tombe.
Les chrétiens sont chez nous, qui peut vivre près d'un ennemi ?
Ils lui ont répondu : Prunelle des yeux, maître des maîtres,
Nous pensons tes pensées ;
Chérif d'origine, tu dissipes le mal.
Nous nous battrons pour le prophète,
Nous ferons triompher sa religion.
Tu le vois toi-même, on t'obéit, on devance tes ordres,
Tu es de nous, tu es notre maître ;
C'est toi qui régleras nos comptes avec l'impie ;
Par ton secours, nous l'abaisserons et nous habiterons même son pays,
Car notre pays, les impies l'ont habité avec leur croix.
 

(1) Djehad, la guerre sainte.

 
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