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Tu es notre sultan, guide-nous,
Et l'écrit de Dieu s'accomplira.
Il leur lut le fatah
Et leur recommanda de faire selon le bien.

Les Chigrs, bien vêtus, vinrent alors lui baiser les mains,
Les kaïds arabes les suivirent,
Ainsi que les grands respectés des tribus.
Les savants des savants,
Les marabouts, les chérifs des chérifs,
Enfin tous ceux de la fête.
Ils s'étaient levés, avaient monté des chevaux de guerre,
Qui sans ailes s'élèvent aux nues,
Avec des selles brodées en or.
Leurs esclaves portaient des armes à fourreaux d'argent,
Et la terre se couvrit d'ombres au bruit des coups de feu.
Chacun faisant luire des éclairs échappés de lui ;
Les cavaliers défilèrent les uns derrière les autres
Comme des flots qui se suivent.
Les canons grondaient dans les flammes,
Les rangées de soldats semblaient une averse de pluie,
Bien coordonnés, bien alignés, bien équipés ;
Le spectateur ébloui oublie les auteurs de ses jours.
Partout les indices d'un ordre nouveau se manifestent
Au milieu de celle allégresse universelle.
Notre seigneur dominait l'assemblée
Sur un cheval rouge, teint avec la cire d'Espagne.
Les tresses de ses crins balayaient la terre ;
Sellé d'une selle toute brodée d'or ;
De superbes étendards flottaient sur sa tête ;
Partout des tambours, des zarnadjyas (1) étincelant d'argent.
Là il passa la nuit, et ses troupes reçurent la difa somptueuse,
Suivie de prières et d'invocations.
Après la prière du matin et les ablutions

 

(1) Zarnadjyas, corps des musiciens.

    

 

   
Tout le monde s'assemble et écoute la lecture du Bokhary (2).
Et cette lecture est féconde comme les pluies,
En tombant sur la terre, elle en vivifie la végétation.
Le sultan finit en bénissant toute l'assemblée.
Toute chose il la fait bien ; plaise à Dieu que nous tombions pou
Il nomma à des emplois
Et éleva des Khalifas sous lesquels il plaça des aghas fidèles.
Tous marchèrent derrière lui avec des troupes et des cavaliers,
Tous confiants dans sa générosité connue.
A chaque Outhan il donna des chigrs,
Des cadis, des muphtis, pour organiser la justice ;
De chacun il exila les chagrins.
Que Dieu perpétue sa victoire par la bénédiction de son père !
Ce qu'a fait ce sultan
Ne peut être raconté, tout le monde le sait
Combien de guerres n'a-t-il pas entreprises contre les infidèles !
Les chefs français ne l'oublieront jamais.
II les a combattus, partout il les a fait fuir,
Semant leurs cadavres en pâture aux bêtes féroces.
Si tu le voyais au jour du combat ,
Quand les cavaliers se précipitent l'un l'autre
Comme des éperviers, des aigles
Qui fondent sur des hebars (2), les saisissent,
Et d'eux ne laissent plus que cette parole : - Ils furent.
L'homme injuste ne vit pas ; l'homme oppressé trouve un sauveur.
S'il arrange son armée et qu'il se mette à ses angles,
Ses canons sont des éclairs qui foudroient l'ennemi.
Ses soldats sont des colliers dont les canons sont les nœuds.
On sent leur odeur de loin,
Tant est grande la stupeur que jette les troupes du chérif.
L'esprit de ceux qui le voient s'anéantit.
Parmi leurs cent drapeaux s'élance
Un syaf guerrier qui met l'ordre partout,
 

(1) Bokhary, livre saint.
(2) Hebars, poules de Carthage.

 
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