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Le temps d'arrêt des troupes qui étaient avec moi fut pris par les Kabyles pour de l'hésitation ; ils jugèrent que nous allions nous re tirer, et, de tous côtés, ils se rallièrent pour nous harceler, pendant que nous descendrions des longues pentes qui conduisent à la plaine.

Ce retard donnait à l'ennemi de l'audace : il s'avançait sur les pentes de la position que j'occupais ; je crus le moment venu de lancer les troupes. Les Kabyles furent si vivement refoulés qu'ils ne purent pas même s'arrêter sur les belles positions qui étaient en arrière d'eux, et ils prirent la fuite jusques dans les versants opposés.

Croyant les avoir suffisamment dégoûtés du combat, et ayant le projet de revenir camper en arrière, prés d'une belle fontaine, je ne voulus pas les poursuivre plus loin ; mais, dès que je commençai ma retraite, ils reprirent l'offensive ; cependant, comme ils n'étaient pas nombreux sur la queue de ma colonne, je continuai mon mouvement et j'atteignis la position que je voulais occuper définitivement.

Dès le matin, j'avais résolu de ne plus abandonner ces crêtes avant d'avoir fait beaucoup de mal aux Flissas, pendant plusieurs jours, en y appelant toutes mes forces. Je m'en étais emparé avec trop de bonheur pour m'exposer à des pertes considérables, en voulant les reprendre une seconde fois.

J'espérais pouvoir donner ensuite du repos à mes soldats dans le bivouac que j'avais choisi, mais les Kabyles en avaient décidé autrement.

Ceux que j'avais poursuivis revenaient à la charge avec d'autant plus d'ardeur qu'ils voyaient arriver, par mon flanc gauche, un gros contingent des pentes nord du Jurjura : on n'évalue pas ce renfort à moins de 3,000 hommes. Il se réunit, tout près de ma 

    

 

   
position, dans les bois qui se trouvent sur le poste sud, et s'avança sans bruit près d'une compagnie de voltigeurs, chargée d'observer la crête par laquelle ils arrivaient. La forme du terrain ne nous permettait pas d'apercevoir le bois où se réunissaient les ennemis.

Nous les voyions cependant défiler au-delà, et nous pouvions reconnaître qu'ils étaient très-nombreux.

A la faveur d'une pente très-rapide et très-boisée, ils s'avancèrent à portée de pistolet des voltigeurs du 48e, et les abordèrent par une vive fusillade. Les voltigeurs cédèrent d'abord le terrain ; mais soutenus à l'instant par trois compagnies du même régiment, qui avaient été placées un peu en arrière pour les soutenir, et appuyés par deux bataillons du 3e léger qui arrivaient en ce moment, on reprit une offensive énergique et rapide. Les Kabyles furent jetés en bas et chassés des bois avec des pertes considérables, et refoulés sur une autre colline en face : on les poursuivit jusqu'à ce qu'on les vit en pleine retraite sur plusieurs points.

Dans le même moment, ma droite était attaquée par les Kabyles que j'avais battus précédemment. Le 26e régiment, dirigé par M. le colonel Pélissier, mon sous-chef d'état-major-général, les repoussa avec une grande vigueur.

Il était alors cinq heures du soir, et j'avais envie de continuer le mouvement offensif ; mais, voyant que l'ennemi se retirait de toutes parts, et mes troupes étant très-fatiguées, je les fis rentrer au camp. Depuis cet instant, il n'a pas été tiré un seul coup de fusil. Dans cette dernière attaque, où l'artillerie a joué aussi son rôle, l'ennemi a laissé bon nombre de morts autour de notre camp ; nous aperçûmes, en outre, de longues files de ces montagnards emportant de leurs cadavres. Nous n'avons eu là que deux hommes tués et vingt-cinq blessés.

 
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