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Cette journée, qui fait grand honneur à la vigueur et à l'expérience de nos troupes, nous a coûté un peu cher, mais elle nous eût coûté bien davantage si, dès le point du jour, nous ne nous étions emparés de la ligne dominante, en coupant l'ennemi en deux. C'est là une des grandes causes du succès que nous avons obtenu contre des ennemis de quatre ou cinq fois plus nombreux que nous, et postés dans des lieux très-difficiles. Les ennemis, il faut leur rendre cette justice, ont été, sur quelques points, très-vigoureux et très-opiniâtres. Ils nous ont forcés à prolonger le combat plus longtemps que je ne l'aurais voulu, dans le désir de faire reposer mes soldats. Mais il ne fallait pas lui laisser le dernier mot, il est resté de notre côté, d'une manière complètement décisive. Notre perte est de trente-deux morts et de quatre-vingt-quinze blessés. Un seul officier a été tué, M. Codille, sous-lieutenant du bataillon des zouaves : plusieurs officiers de divers corps ont été blessés.

Dans un terrain aussi haché, où il y a un si grand nombre de combats partiels sur une ligne de près de deux lieues, il est impossible de calculer les pertes de l'ennemi ; mais en réduisant beaucoup les divers rapports qui me sont faits, le nombre des morts ne peut être évalué à moins de 600 : les blessés doivent être deux fois aussi nombreux. Une seule compagnie du 48e a tué une cinquantaine d'hommes en enlevant un village. Les pertes matérielles des Kabyles sont énormes ; plus de cinquante beaux villages, bâtis en pierre et couverts en tuiles, ont été pillés : nos soldats et nos Arabes y ont fait un butin très-considérable.

Cette contrée, monsieur le Maréchal, vaut assurément les frais de la conquête ; la population y est plus serrée que partout ailleurs. Nous avons là de nombreux consommateurs de nos produits, et ils pourront les consommer, cas ils ont à nous donner en échange une grande quantité d'huile et de fruits secs ; ils ont aussi du grain et des bestiaux ; ils pourront, par la suite, produire autant de soie qu'ils le voudront. Ces consommateurs, personne ne viendra nous les disputer contre notre volonté. 

    

 

   
Nous cherchons partout des débouchés pour notre commerce ; et partout nous trouvons les autres peuples en concurrence. Ici nous aurons à satisfaire seuls les besoins d'un peuple neuf, à qui notre contact donnera des goûts nouveaux ; mais, pour obtenir ces résultats sur une grande échelle, il faut rester forts.

Je ne puis terminer ce rapport, monsieur le Maréchal, sans vous faire connaître le nom des braves qui ont le plus puissamment contribué, dans celle journée, à nous donner une victoire qui produira certainement des fruits heureux.

Je citerai, dans l'état-major général :
MM. les généraux Gentil et Korte ;
M. le colonel Pélissier ;
M. le commandant Gouyon, qui a eu un cheval tué sous lui, et dont je ne saurais trop louer le zèle, le courage et l'intelligence ;
MM. les capitaines Anselme, de Cissey, Raoult et Lapasset ;
Le jeune Louis Goër, interprète de l'état-major général.

Dans mon état-major particulier : MM. les capitaines Rivet, de Garraube et Guilmot, qui ont été presque constamment sous les balles en portant mes ordres.

Dans les zouaves : M. le lieutenant-colonel de Chasseloup-Laubat, qui a fait tête de colonne dans la matinée, s'est emparé du village de Ouarezddin et de la crête supérieure des montagnes, avec beaucoup de vigueur et d'intelligence;
M. le capitaine Corréard, qui a reçu quatre coups de feu, et conservait encore le commandant de la compagnie, après avoir reçu trois blessures ;
MM. les capitaines Paër et Frèche ; M. le lieutenant Rampont qui montra beaucoup d'énergie et de sang-froid, et fut blessé en s'élançant à la charge ; M. le lieutenant Larroux-Dorion ; e sous-lieutenant Rogues ; le sergent Carnot, qui a tué cinq Arabes à coups de baïonnette ; le sergent Morelli ; le fourrier Charpal, 

 
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