Ces régions de montagnes
embrassent à peu près la moitié du territoire algérien;
elles sont presque toutes habitées par des Kabyles, race ou
agglomération de races entièrement distincte des Arabes. Les
différentes Kabylies n'ont entr'elles aucun lien politique :
chacune même ne constitue qu'une sorte de fédération
nominale où figurent, comme autant d'unités indépendantes,
des tribus riches ou pauvres, faibles ou puissantes,
religieuses ou guerrières, et subdivisées à leur tour en
fractions, en villages également libres.
Quoiqu'il existe entr'elles une frappante analogie de mœurs,
d'origine et d'histoire, la disjonction des faits impose la nécessité
de les considérer séparément. Autant de Kabylies, autant de
pages détachées : il y aura celle des Traras, de l'Ouarensenis,
du Dahra, du petit Atlas, du Jurjura et beaucoup d'autres.
C'est la dernière nommée que nous nous proposons
d'écrire; l'histoire de la Kabylie du Jurjura, que beaucoup
d'écrivains nomment exclusivement la Kabylie, et que
nous appellerons, nous, eu égard à son importance relative,
la GRANDE KABYLIE.
Cette région embrasse toute la superficie du vaste
quadrilatère compris entre Dellys, Aumale, Sétif et Bougie.
Limites fictives, en ce sens qu'elles ne résultent point de
la configuration géographique, limites rationnelles au point
de vue de la politique et de l'histoire.
Plus qu'aucune autre Kabylie, celle qui va nous occuper a
fixé l'attention publique en France. Diverses causes y
contribuèrent. Son étendue, sa richesse, sa population; son
voisinage d'Alger, source de quelques relations commerciales;
sa vieille renommée d'indépendance et celle
d'inaccessibilité faite aux grandes montagnes qui la couvrent
; enfin, depuis ces dernières années, un très-grand
partage d'avis sur la politique à suivre envers elle.
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