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Comme eux encore, elles comptent plus de cavaliers que de fantassins, et sont nomades sur un territoire délimité. Naturellement, beaucoup de mots arabes se sont glissés dans ce dialecte : il est très-répandu dans la province de Constantine.
  1. Le Zouaouïah : il est parlé depuis Dellys et Hamza jusqu'à Bône. Il représente l'ancien idiome national dans sa plus grande pureté. On y remarque toutefois, chez les tribus à l'est de Gigelly, une légère altération qui proviendrait du commerce avec les Arabes. Aussi sont-elles traitées, par les Kabyles purs, de Kebaïls-el-Hadera, Kabyles de la descente.

Chez toutes les tribus kabyles, mais principalement chez celles qui parlent le Zouaouïah, il existe encore un langage que l'on nomme el Hotsia : le Caché. C'est une sorte d'argot inventé depuis longtemps déjà par les malfaiteurs de profession. Les voleurs, les assassins, les baladins, l'emploient pour converser ensemble, sans que personne puisse les comprendre. En Kabylie, comme chez nous, ce langage de convention est repoussé, flétri par les honnêtes gens.

L'alphabet berbère est perdu. Dans tout le pays kabyle, il n'existe pas aujourd'hui un seul livre écrit en berbère. Les Tolbas (1) kabyles, et ils sont nombreux, prétendent que tous leurs manuscrits, toutes les traces de leur écriture ont disparu lors de la prise de Bougie, par les Espagnols, en 1510. Cette assertion, d'ailleurs, ne supporte point la critique : mais il est plus facile de la réfuter que de la remplacer par une autre.

De nos jours, le berbère ne s'écrit plus qu'avec des caractères arabes. La Zaouïa de Sidi Ben-ali-Cherif, dont nous reparlerons ailleurs, possède, dit-on, plusieurs manuscrits de ce genre.

 

(1) Taleb : savant; au pluriel : Tolbas.

    

 

   
Un Arabe n'apprend point l'idiôme berbère ; il en retient quelques mots pour son usage, s'il a des relations fréquentes avec les Kabyles.

Tout Kabyle, au contraire, étudie forcément l'arabe, ne fut-ce que pour réciter des versets du Koran. Celui qui commerce ou voyage éprouve la nécessité de savoir l'arabe vulgaire : bientôt il l'entend et le parle avec facilité. Aucun chef important ne l'ignore.

 

IV.

 
Les Romains appelaient le Jurjura Mons Ferratus ; et Quinque Gentii les habitants de la région environnante. Ce nom qui signifie les cinq nations ou les cinq tribus, si l'on veut, révèle déjà, dans cette haute antiquité, une sorte de fédéralisme analogue à celui des Kabyles actuels.

Ces Quinque Gentii n'écoutèrent quelques prédications chrétiennes que pour embrasser violemment le schisme Donatiste ou l'hérésie furieuse des Circoncellions. On voit, vers l'an 300, l'empereur Maximien diriger en personne, contre eux, une guerre d'extermination. Un demi-siècle après, on les retrouve en armes pour soutenir l'Anti-César Firmus, et, depuis cette époque jusqu'à l'invasion arabe, aucun conquérant ne parait se hasarder dans leurs montagnes.

Plusieurs villes romaines ont existé sur les côtes de la grande Kabylie : Baga, Choba, Salvae , Rusucurrum. Tour à tour, on les a placées toutes à Bougie, que les Européens connaissent depuis longtemps; mais enfin, l'opinion du docteur Shaw, confirmée depuis par la découverte d'une inscription romaine, fixe décidément à Bougie la colonie militaire Salvae. Aujourd'hui encore, des ruines de maisons, et surtout un vieux mur d'enceinte, dont le développement total n'excède pas 2,500 mètres, constatent en ce point l'existence d'une cité antique, mais assez peu considérable.

 
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