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L'intérieur du pays renferme également quelques ruines de l'ère romaine ou chrétienne.

A cinq lieues de Bougie, à côté des Beni-Bou-Messaoud, on voit debout six colonnes très-hautes, en pierres de taille. Elles portaient des inscriptions de venues illisibles. Tout autour gisent des décombres qui attestent de grandes constructions.

D'un autre côté, à six lieues environ de Bougie, existe une ville souterraine qui renferme plus de deux cents maisons en briques, bien conservées, avec des rues voûtées et des murs très-épais. On y descend par un escalier d'une douzaine de marches. D'après le dire des Kabyles, cette cité ténébreuse, qu'ils nomment Bordj Nçara, le fort des Chrétiens, aurait été bâtie par les Romains de la décadence. Le chef de toutes ces contrées y demeurait, disent-ils, avec ses gardes.

Koukou renferme des ruines sur lesquelles on découvre encore quelques inscriptions.

A Tiguelat, entre les Ayt-Tanzalet et les Fenayas, les traces d'une ville subsistent. Les remparts ont trois à quatre mètres d'élévation. On y voit encore debout une statue, que les Kabyles appellent Sour-el-Djouahla.

Chez les Senadjas, dans un village appelé Tissa, il existe, parmi des ruines importantes, une fontaine très-bien conservée ; et une autre pareillement chez les Beni-Bou-Bekheur, à Akontas, village bâti au milieu d'une ancienne enceinte qui, sur certains points, était double.

Chez les Beni-Oudjal, à Aïn-Fouka, on trouve les restes d'une ville surmontée de trois forts. Elle renferme encore une fontaine qui, donne beaucoup d'eau. On l'appelle El-Kueseur-El-Kjouahla.

    

 

   
Ces ruines et quelques autres, qu'on place à Tighebine, sur le territoire des Beni-Chebanas, comprennent toute l'étendue des renseignements kabyles. Nos excursions nous ont fait reconnaître près d'Akbou des ruines sans importance, et à Toudja, les restes d'un aqueduc romain, quinze ou seize pilastres supportant le conduit qui amenait les eaux de la montagne à Bougie.

En somme, ces vestiges de l'occupation romaine semblent moins répandus en Kabylie que dans aucune autre portion du littoral; on n'y reconnaît point d'ailleurs l'assiette, l'étendue, la magnificence monumentale qui caractérisent de puissantes cités. N'est-il pas permis d'en conclure que la conquête de ce pays fut toujours une oeuvre incomplète, même à l'époque des conquérants du monde ?

Au Ve siècle, l'invasion vandale s'abattit sur Bougie. Genseric en fit, jusqu'à la prise de Carthage, la capitale de son empire naissant. Puis, on recommence à perdre de vue cette ville dans les ténèbres historiques de la grande barbarie, dans le chaos de cette époque où toutes les races, où toutes les croyances viennent se heurter confusément.

Mais à la fin du VIIe siècle, un vif éclair part du Levant : c'est l'immense invasion arabe, conduite par Okba. Elle balaie toutes les plaines de ses flots successifs, et déborde jusqu'aux montagnes. En 666 d'abord, plus tard en 748, Bougie est enlevée d'assaut.

Moussa-Ben-Noseïr en est le conquérant définitif : les habitants sont massacrés ou convertis.

Ce fut sans doute aussi vers le même temps, et de la même manière, que les Kabyles du voisinage acceptèrent la foi musulmane.

 
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