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Englobée dans le mouvement de l'Islam et soumise à toutes ses révolutions dynastiques, Bougie traverse des phases peu connues et peu intéressantes jusqu'au milieu du XIVe siècle, où on la trouve incorporée dans un vaste empire berbère dont le centre était à Tlemcen.

Elle en est alors détachée par Igremor-Solthan, chef de la dynastie des Beni-Isseren, et. donnée à son fils Abd-el-Aziz. Elle devient ainsi la capitale d'un petit royaume indépendant. C'est son ère de prospérité. Elle s'enveloppe d'une muraille de 5,000 mètres, dont on voit encore les ruines. Le commerce, la piraterie accroissent ses richesses ; mais le pouvoir des Maures y subit à la longue cette décadence qui prépare sa chute universelle au début du XVIe siècle.

Bougie comptait dix-huit mille habitants sous le règne d'Abd-el-Hamet, quand une flotte espagnole de quatorze gros bâtiments sortit d'Ivice, une des Baléares, avec cinq mille combattants d'élite et une artillerie formidable. De plus, cette expédition était conduite par le fameux Pierre de Navarre. Son départ ayant eu lieu le 1er janvier 1510 ; le 5, elle était devant Bougie.
Le roi maure terrifié, s'enfuit dans les montagnes, quoiqu'il comptât autour de lui huit mille guerriers. Bougie fut prise et livrée au pillage.

Malgré ce facile succès; malgré le coup de main hardi que Pierre de Navarre exécuta trois mois plus tard, en surprenant, au bord de la Summam, le camp du prince maure dont l'équipage et toutes les richesses tombèrent en son pouvoir; les rudes montagnards ne cessèrent d'inquiéter les Espagnols jusque dans Bougie même, et cette guerre d'embuscade obligea les vainqueurs à s'abriter derrière des forts. Celui de Moussa fut bâti près des ruines d'un château romain ; un autre s'éleva sur l'emplacement de la Casbah actuelle ; enfin, au bord de la mer, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le fort Abd-el-Kader, on restaura celui qui existait déjà.

    

 

   
Ces défenses procurent aux Espagnols une certaine sécurité dans la ville, mais ils y sont hermétiquement bloqués et tenus sous la menace perpétuelle du prétendant maure.
En ce moment, de nouveaux acteurs viennent prendre part à la lutte religieuse de l'Orient contre l'Occident, et le bassin de la Méditerranée, qui lui sert d'immense théâtre, voit déborder les Turcs demi sauvages à l'une de ses extrémités, tandis qu'à l'autre s'évanouirent les Maures chevaleresques.

Deux aventuriers, fils de renégat et corsaires, Baba-Aroudj et Khair-ed-Din (1), livrent leur voile errante au vent de la fortune musulmane qui les porte sur la côte d'Alger pour en faire deux pachas célèbres. Mais ces terribles écumeurs de mer ne sont pas toujours et partout également heureux. Deux fois Baba-Aroudj se présente devant Bougie (1512, 1514), et deux fois il est repoussé, malgré la coopération des Kabyles de l'intérieur.

Quarante-deux ans après, Salah-Raïs, son deuxième successeur, venge glorieusement ces échecs (1555). Vingt-deux galères bloquent le port, trois mille Turcs et une nuée de Kabyles attaquent les remparts : les forts Moussa, Abd-el-Kader, sont enlevés tour à tour. Enfermé dans le grand château (aujourd'hui la Casbah), le gouverneur D. Alonso de Peralta signe une capitulation qui stipulait, pour tous les Espagnols, la vie sauve, la liberté et le transfert dans leur patrie.

Ces clauses ne furent respectées que pour lui et une vingtaine des siens. On les reconduisit en Espagne ; mais (telle était l'animosité de la lutte) Charles-Quint, irrité d'un si grand revers, livra le malheureux gouverneur à de juges qui le condamnèrent, et sa tête roula sur la place de Valladolid.

 

(1) Baba signifie père. Baba Aroudj, le père Aroudj. Nous en avons fait Barberousse. Khaïr-ed-Din, veut dire le bien de la religion. Ce nom est devenu Chérédin.

 
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