L'avortement de tous ces essais
d'unité servit bien la cause des Turcs. Ils s'emparèrent de
Djemâa-Saridje ; Kuelàa, fatiguée de ses petits sultans, se
rangea volontairement sous leur pouvoir.
Mais ni ces points d'appui, ni la sanction morale que leur
prêtait l'autorité religieuse du sultan de Constantinople ne
réussirent à fonder leur domination sur une base solide. Ils
y ajoutèrent des forts sans plus de résultat, n'ayant pu les
porter assez loin dans le pays kabyle.
Les plus avancés qui restassent, en 1830, étaient : sur
le versant septentrional, Borj-Sebaou et Bordj-Tiziouzou ; sur
le versant méridional, Bordj-el-Boghni ; et Bordj-Bouira, dans
le district de Hamza. Ce dernier, du reste, marquait une
double retraite: deux forts plus éloignés avaient été
successivement détruits par les gens de la montagne. Bien
plus, sous le règne d'Omar-pacha, une petite armée turque,
envoyée pour réduire les Ben-Abbas, n'avait réussi à
brûler quelques-uns de leurs villages qu'en essuyant des
pertes écrasantes suivies d'une véritable défaite.
En somme, les Turcs n'exercèrent jamais d'autorité
durable, ne prélevèrent d'impôts proprement dits, que sur
quelques fractions kabyles des pentes inférieures, obligées
de cultiver en plaine, et, par conséquent, saisissables dans
leurs personnes ou dans leurs biens. Mais celles-là se
trouvaient en butte aux mépris des tribus voisines, pour
avoir préféré le déshonneur à la mort. Il n'était sorte
d'avanies dont on ne les abreuvât.
La plus commune consistait à s'emparer de quelqu'un des
leurs : on l'affublait d'un vêtement complet de vieille
femme; on lui faisait un collier avec les intestins d'un
animal, et on le promenait ainsi dans les marchés, au milieu
des huées générales. Cet usage est encore en vigueur.
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