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à l'ébranler, et aussitôt trois bataillons, lancés au pas de course, gravissent les pentes, s'accrochent aux buissons, escaladent les rochers et deviennent maîtres de la position par le seul fait de leur audace qui a stupéfié les défenseurs.

Cette droite rompue est en partie refoulée sur le centre, en partie sur la colonne enveloppante dont la cavalerie fait d'incroyables efforts pour traverser d'affreux terrains, et parvient à sabrer une cinquantaine de fuyards. L'ennemi n'a pas tenu sur la gauche ; il fuit de tous côtés avec une perte de cent-cinquante à deux cents hommes. La nôtre est fort légère, eu égard à la nature des lieux. " Ce champ de bataille, disait le rapport au Ministre, représente admirablement le cahos. Quoique le combat n'ait pas duré deux heures, il a fallu toute la journée pour rallier les troupes.

Les chefs des Beni-Djenad et des Flisset-el-Bahr ne se firent point attendre. L'aman leur fut donné, mais à condition qu'ils verseraient l'impôt de suite ; en sorte que leur soumission se trouva reportée, pour ainsi dire, à l'époque de son enregistrement fictif.

 

II.

 
De jour en jour notre domination sur l'Algérie s'affermissait. L'année 1845 fut encore troublée, il est vrai, par des tentatives de l'émir ; mais celles-ci mêmes semblaient perdre leur caractère de grandeur ; elles représentaient moins la rivalité sérieuse d'un sultan dépossédé, ou la lutte fanatique d'un chérif populaire, que l'impuissante rancune d'un partisan réduit aux abois. L'apparition de Bou-Maza, sans éveiller de profondes inquiétudes, remuait davantage la vallée du Chéliff et surtout le Dhara. Le Gouverneur quitta de nouveau la capitale pour aller mettre un terme à ces désordres.

Quoique une portion seulement de la Kabylie fût conquise, 

    

 

   
et conquise depuis peu, notre attitude y était déjà meilleure que dans toute l'Algérie centrale et occidentale. L'heureux choix des grands fonctionnaires indigènes que nous y avions investis du pouvoir, joint au caractère des Kabyles plus réfléchi que celui des Arabes, assurait au pays une tranquillité suffisante, sans aucun concours permanent de nos forces militaires. Notre khalifa, nos aghas dirigeaient leur service, en rendaient compte, à peu de chose près, comme des officiers français, Pour donner une idée de leurs rapports adressés à l'autorité supérieure, nous en citerons deux sur le nombre. On y verra la nature des troubles, et leur mode de répression avec le concours accidentel d'une colonne française.
 

Si Mohammed-ben-Mahy-ed-Din, khalifa du Sebaou, à M. le lieutenant-général De Bar.

 

Après les compliments ;

Je porte à votre connaissance que nous sommes campés chez les Ounnoughras, dans le voisinage de Bordj-Hamza. Nous y sommes bien. Dès demain, nous commencerons a régler les affaires des Aribs. En nous voyant arriver, les Aribs-Cheragas dissidents nous ont fait demander l'aman, s'engageant à payer tout ce qu'ils redevaient au beylik. Je conduirai l'affaire avec prudence, soyez en sûr ; les coupables seuls seront atteints et paieront leurs dettes reconnues. Je vous prie d'engager le général Marey à prendre patience jusqu'à ce que j'aie terminé les affaires de cette contrée ; car les Arabes qui sont avec lui et le khalifa de la Medjana paraissent très-pressés de s'en retourner. Le général m'a promis de ne partir qu'après que tout aurait été réglé. Si je vous prie de lui en parler, ce n'est donc que pour plus de sûreté ; je tiens a arrêter tous les perturbateurs.

Nous avons beaucoup de munitions de bouche ; malgré cela, j'ai fourni a l'armée trois cents mulets, pour en apporter encore de Médéah.

 
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