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fixa-t-elle de bonne heure l'attention du maréchal Bugeaud, qui fit former une colonne aux ordres du général Gentil pour couvrir l'est de la Mitidja, en observant tous les débouchés des montagnes. Habituellement, cette colonne campa sur l'Oued-Corso, d'où elle surveillait le col des Beni Aïcha.

En janvier 1846, Abd-el-Kader, appuyant de plus en plus vers l'est, avait paru chez les Ouled-Nayls. Son ancien khalifa, Ben-Salem, l'alla rejoindre au Djebel-Sahari, et lui amena plusieurs chefs dévoués à sa cause. Tous lui peignirent l'envahissement de la Mitidja comme très-facile par son extrémité orientale. Ben-Salem insista sur ce que nous n'occupions aucun poste de ce côté, d'une manière permanente, et certifia que la colonne de l'Oued-Corso n'était qu'un composé de malades et de convalescents hors d'état d'opposer une résistance sérieuse. Barré partout ailleurs, Abd-el-Kader se résolut à tenter le coup hardi qu'on venait lui proposer.

Aussitôt, il forme une masse imposante de cavalerie avec ses réguliers et des goums pris aux Ouled-Nayls ou à quelques tribus voisines, et coupant court, à l'est de Bordj-Hamza, par les Ouled-Aziz, toujours bien disposés en sa faveur, coudoyant Bordj-el-Boghrni, descendant entre les Flissas et les Beni-Khalfoun, il vient sortir à Tamdiret, dans la plaine des Issers, où Bel-Kassem le rallie à la tête d'un certain nombre d'Ameraouas et de chefs kabyles montés.

C'était à la pointe du jour. Sans perdre une minute, l'émir a lancé sa cavalerie dans toutes les directions. Elle repousse les postes kabyles placés en vedettes sur les hauteurs, et arrive en même temps qu'eux dans les villages des Issers. Les guerriers de la tribu, disséminés sur une grande étendue de pays, ne peuvent opposer aucune résistance efficace. Ils se rallient et se défendent sur des points isolés ; mais l'ennemi gagne sans cesse du terrain, et pendant ce temps, le pillage, la dévastation s'exercent de 

    

 

   
toutes parts. Vers deux heures de l'après-midi, des cavaliers, expédiés en toute hâte par les chefs, réussissent à gagner le camp de l'Oued-Corso, et apprennent au général Gentil l'attaque dont ils sont victimes. Ils parlent sous une telle impression d'épouvante, ils représentent les forces ennemies avec tant d'exagération, qu'on ne peut encore ajouter foi qu'à une partie de leur rapport. Heureusement, un autre avis survient.

Le hasard avait fait coïncider cette razzia des Issers avec un mouvement de nos troupes. La veille, un bataillon de la colonne avait dû changer de position avec un autre stationné à Dellys, et le colonel Blangin avait eu mission d'opérer cet échange. Il longeait donc le territoire des Issers avec six cents hommes au plus et une partie de notre goum, lorsqu'on vient lui apprendre que cette tribu amie est aux prises avec Ben-Salem, car tel fut le premier soupçon. Le colonel, se jetant aussitôt sur la rive gauche de l'Isser, atteint la queue des cavaliers qui se repliaient déjà surchargés de butin : ses Arabes se lancent au milieu du bétail entraîné, et en ramènent une partie entre les mains de ses propriétaires. Mais les pertes de la tribu n'en sont que légèrement diminuées.

Un envoyé du colonel apporte au général Gentil des nouvelles positives, et lui annonce que le bataillon détaché marche rapidement à sa rencontre. Cette jonction s'opère en effet après une marche de nuit ; la petite brigade prend position en avant du col des Beni-Aïcha.

Alors, et seulement alors, sont recueillies des informations de quelque vraisemblance. On attribue toujours à Ben-Salem la razzia de la veille ; mais on sait en tous cas que les cavaliers qui l'ont faite, exténués de fatigue, ont campé le soir même sur les pentes nord des Flissas, à Cherrak-el-Teboul (le déchirement des tambours), lieu célèbre par la destruction d'une armée turque. Selon toute apparence, l'embarras et le partage du butin les 

 
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