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et beaucoup vinrent achever le pillage de son goum en déroute ; il fallut même l'intervention des marabouts pour lui faire restituer ces dernières prises. A bien juger les choses, il ne s'était guère prononcé jusqu'alors de l'un ou de l'autre côté, que des chefs déjà compromis, ou, dans les classes inférieures, de ces gens mal famés, toujours prêts à saisie une occasion de brigandage.

Dès le premier moment, Abd-el-Kader s'était enfui chez les Mâtekas. Il tenta des efforts suprêmes pour déterminer un mouvement parmi eux, parmi les Flittas et les Beni-Raten. Il n'en put rien obtenir qu'un aveu très-formel de la politique expectante dont nous avons parlé plus haut. " Nous voulons bien être avec toi, lui disaient-ils, notre conduite antérieure l'a prouvé. Mais il faudrait que tu fusses en état de nous défendre contre les armées des chrétiens. Tu t'en faisais fort autrefois ; à l'occasion, quelle aide nous as-tu prêtée? "

Et comme l'émir allait s'épuiser en promesses pour l'avenir, ils ajoutèrent : " Nous ne croyons plus maintenant qu'à des faits positifs. Va combattre les chrétiens, et si tu rentres victorieux, nous marcherons sous ton drapeau. "

Ainsi posée, la question se trouvait presque résolue ; et d'ailleurs, avant peu, l'émir allait être mis en de meure d'accepter ou de fuir publiquement la lutte.

Dans le cours des évènements rapides qui viennent d'être racontés, nous n'avons encore vu figurer devant lui que la petite colonne du Corso ; mais d'autres corps, lancés à la hâte par celui qui dirigeait tout l'ensemble de la guerre, commençaient à entrer en ligne.

Au premier soupçon de la pointe vers l'est, le Maréchal avait fait partir, sous les ordres du lieutenant colonel Maissiat, deux 

    

 

   
bataillons qui devaient commander la route du pont de Ben-Hini. Un autre bataillon, formé de tous les ouvriers militaires d'Alger, s'acheminait sur le Fondouk ; enfin, des mesures étaient prises pour mobiliser la milice d'Alger. Ces formations de réserves actives, laissant aux troupes une plus grande liberté de mouvements, permirent de cerner en quelque sorte la Grande Kabylie. Tandis que le général Bedeau opère vers Guetfa, pour empêcher l'émir de propager ses influences au sud, le Maréchal se porte droit avec sa colonne sur les tribus qui donnent actuellement un asile à Abd-el-Kader : ce sont les Nezlyouas et les Beni-Khalfoun. Le 15, il est chez ces derniers ; le 16, il communique avec le général Gentil, pour un échange de bataillons trop fatigués, auxquels on donne quelque repos en leur confiant la garde du col des Beni-Aïcha ; les jours suivants, il s'engage dans la haute montagne.

De loin en loin, des groupes armés en garnissent les crêtes, groupes inoffensifs et qui semblent postés en observation. Le 19, on apprend qu'Abd-el-Kader est campé sur l'Oued-Kseb ; le Gouverneur appuie subitement par la vallée de Bordj-el-Boghrni dans cette direction. Le camp était levé ; mais après une heure et demie de marche, on gagna assez de terrain sur l'ennemi pour découvrir, à la lunette, sa cavalerie et son convoi engagés dans un sentier fort difficile, touchant à la région des neiges ; il était prêt à se jeter, par le revers opposé, dans la vallée de la Summam ; c'est-à-dire que, loin de venir nous attaquer, comme l'en avaient mis au défi les montagnards, il cherchait à fuir par Hamza et à mettre la crête rocheuse du Jurjura entre son adversaire et lui. Douze à quinze cents Kabyles couvraient également cette retraite, soit par intérêt pour Abd-el-Kader, soit pour défendre au besoin leurs propres habitations et leurs vergers.

Toutefois, à une grande portée de fusil, ces Kabyles nous envoyèrent quelques balles. Immédiatement, trois bataillons sans 

 
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